L’étude ARISTOTLE a démontré la supériorité de l'apixaban sur la warfarine dans une population de plus de 18 000 patients avec fibrillation auriculaire au sein de laquelle environ 6 700 étaient en insuffisance cardiaque et environ 5 800 recevaient de la digoxine dont quelque 4 400 avec des taux sériques de digoxine disponibles. Cette vaste banque de données a été utilisée pour statuer sur l'impact et la sécurité d'emploi de ce digitalique dont l'intérêt est régulièrement remis en question. Le travail présenté a exploré la relation entre emploi de digoxine et mortalité chez 14 892 sujets (1 sujets digoxine et 3 contrôles non digoxine).
Une première analyse a concerné les patients sous digoxine lors de leur inclusion (groupe prévalence) et une seconde a été menée sur les patients ayant débuté la digoxine après leur entrée dans l’étude (groupe incidence).
Dans le bras « prévalence », il n'y a globalement pas de surmortalité en relation avec la prise digoxine. Mais lorsque l'analyse est faite par taux sériques croissants de digoxine, il est constaté une augmentation progressive du risque de mortalité qui devient significative pour les taux > 1,2 ng/l (HR [Hazard ratio] = 1,56 par rapport à des taux < 0,9 ng/l ; p = 0,001). L'analyse en variable continue fait ressortir une majoration significative du risque de décès de 19 % par tranche d'augmentation de 0,5 ng/ml.
Dans le bras « incidence », il est rapporté globalement un surcroît ajusté de mortalité de 78 % (p < 0,001) qui est plus prononcé chez les sujets sans insuffisance cardiaque (HR 2,07 ; p = 0,0003) que chez les insuffisants cardiaques (HR 1,58 ; p = 0,01). La mort subite est la principale cause de mortalité et la plupart des décès surviennent dans les 6 mois du début de la prise.
Comme toutes les analyses post-hoc, ce travail n'est pas dénué de biais et ses résultats sont donc à envisager avec circonspection. Mais, dans ce cas particulier, les messages à retenir semblent assez clairs et faciles à mettre en œuvre : « Autant que faire se peut éviter la digoxine et, en cas d’emploi, surveiller les taux sanguins afin de les maintenir en deçà de 1,2 ng/ml ».
Dr Jean-Claude Lemaire et Dr Eric Tison