Diversification alimentaire : du nouveau

Comme le rappelait le Dr Anaïs Lemoine lors de son intervention au cours des TIRP (Journées interactives de pédiatrie pratique), une allergie alimentaire peut survenir chez des enfants à risque allergique, par exemple dans un contexte d’atopie familiale, mais aussi chez des enfants chez lesquels le risque peut être estimé comme faible, voire nul. La prévention concerne donc tous les nourrissons. La diversification alimentaire constitue un moment charnière et de récents travaux ont fait voler en éclat certaines règles jusqu’à présent considérées comme établies.

Pas de lait de vache à la maternité quand l’enfant est destiné à l’allaitement maternel exclusif

Rappelons que l’allaitement maternel, recommandé pour tous les nourrissons, n’a pas d’effet préventif démontré sur l’allergie aux protéines de lait de vache. En revanche, pour les enfants à risque atopique, la prise régulière et précoce de protéines de lait de vache (1 à 2 cuillers à café), jusqu’à la diversification, réduit le risque allergique.

Les experts s’accordent pour proscrire les compléments de lait de vache donnés dans les maternités de manière ponctuelle et non poursuivie, pour les nouveau-nés destinés à être exclusivement allaité (un lait hydrolysé peut alors être utilisé). Si un allaitement mixte est souhaité, le lait de complément sera un lait « classique », les laits hypoallergéniques n’ont pas démontré leur efficacité dans cette situation.

Enfin, rappelons que la dermatite atopique, porte d’entrée dans l’allergie alimentaire, doit être prise en charge de manière très précoce.

La diversification alimentaire, un tournant décisif

La diversification alimentaire est un moment important pour l’introduction des aliments à fort potentiel allergisant.

Plusieurs études ces dernières années ont fourni des informations inédites concernant la prévention des allergies alimentaires :

  • Les études LEAP et LEAP-On ont montré, sur une cohorte de 600 enfants, que l’introduction précoce des arachides diminue significativement la fréquence de l’allergie à l’arachide à 6 ans, chez les enfants à haut risque (1).
  • L’étude EAT, menée sur 1200 nourrissons allaités, a retrouvé quant à elle une réduction du risque d’allergie alimentaire chez les enfants qui avaient bénéficié d’une diversification précoce avant l’âge de 6 mois (2).
  • L’étude PETIT montrait en 2017 que l’introduction précoce et progressive d’œuf cuit réduisait le risque d’allergie à l’œuf à l’âge de 1 an chez des enfants atteints de dermatite atopique (3).

L’introduction doit être progressive, mais aussi régulière

La Société Française d’Allergologie a donc publié des recommandations pour la prévention des allergies alimentaires, pour les enfants atopiques et non atopiques. L’objectif est l’introduction précoce des allergènes alimentaires à 4 mois, à raison d’environ 2 g de protéines par semaine. Une fois ces aliments introduits, leur consommation doit ensuite être poursuivie régulièrement.

L’œuf peut être introduit dès 4 mois, sous forme de boudoir écrasé, remplacé par de l’œuf dur écrasé à partir de 5-6 mois (1 cuiller à café, à augmenter progressivement). L’arachide peut aussi être commencée dès 4 mois, sous la forme de beurre de cacahuète, à raison de 1 petite cuiller à café, 4 à 5 fois par semaine. Les autres fruits à coques n’ont pas fait l’objet d’études spécifiques, mais peuvent être donnés de la même manière entre 4 et 6 mois, sous forme de mélanges en pâtes ou en poudre.

Pour l’enfant qui bénéficie de l’allaitement maternel exclusif, il est fermement déconseillé de donner du lait de vache de manière ponctuelle et non poursuivie, lors des premiers jours de vie. En revanche, il peut être commencé avant la diversification, à condition d’être donné régulièrement : 10 ml de lait de vache 1er âge, quotidiennement, ou, à partir de 3 mois sous forme d’une cuiller de yaourt.

Toutes les recommandations vont aussi dans le sens de l’introduction du blé et du gluten entre 4 et 12 mois, à raison de 3 cuillers à soupe de céréales infantiles entre 4 et 5 mois, 9 cuillers à soupe par semaine à 6 mois, et en augmentant progressivement.

Enfin le poisson sera introduit lui aussi dès 4 mois : 1 cuiller à café par semaine entre 4 et 5 mois, ce qui correspond environ à 5 g de poisson, puis 2 cuillers à café 2 fois par semaine entre 6 et 12 mois.

Quels enfants doivent bénéficier d’un bilan allergologique avant la diversification ?

L’avis d’un allergologue est recommandé avant la diversification dans deux cas de figure :

  • En présence d’une dermatite atopique sévère
  • Ou si l’enfant présente une allergie alimentaire déjà avérée (les parents ont commencé la diversification et l'enfant a présenté des signes évoquant une allergie).

Les pricks-tests pour les allergènes majeurs et le dosage des IgE spécifiques guideront la conduite à tenir. S’ils sont positifs, l’introduction des allergènes doit se faire en milieu hospitalier, une éviction ou une induction de tolérance peuvent être proposées. S’ils sont négatifs : la diversification peut avoir lieu à domicile ou en salle d’attente si les parents sont inquiets.

En conclusion, la diversification alimentaire peut se faire dès 4 mois, avec l’introduction progressive et régulière des allergènes entre 4 et 6 mois, chez tous les enfants. Le bilan d’allergie est réservé aux enfants ayant une dermatite atopique sévère et/ou en cas d’allergie alimentaire déjà connue.

Enfin, rappelons, à l’instar d’A. Lemoine pendant son intervention, qu’à partir du moment où un aliment à fort potentiel allergisant est introduit, il doit ensuite être donné régulièrement.


Dr Roseline Péluchon

Références
Dr A. Lemoine : Comment introduire en pratique les aliments à fort potentiel allergisant lors de la diversification ? 23èmes Journées Interactives de Réalités Pédiatriques – Versailles – 24-25 mars 2022

(1) Etude LEAP : Du Toit G. et al. Identifying infants at high risk of peanut allergy: the Learning Early About Peanut Allergy (LEAP) screening study. J Allergy Clin Immunol 2013;131:135–43 e1-12.

(2) Etude EAT : Perkin MR. et al. Enquiring About Tolerance (EAT) study: feasibility of an early allergenic food introduction regime. J Allergy Clin Immunol 2016;137:1477–86 e8.

(3) Etude PETIT : Natsume O. et al. Two-step egg introduction for prevention of egg allergy in high-risk infants with eczema (PETIT): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2017;389:276‑86.

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