WCC – Barcelone. Plusieurs modes d’action (directs ou indirects) ont été décrits pour expliquer les arythmies supraventriculaires provoquées par la prise de substances illicites. Le Pr Hein Heidbüchel (Université Leuven, Belgique) les classe en 4 catégories.
Le système sympathique, la dopamine et différents canaux en ligne de mire
Le premier mode d’action de ces substances passe par la stimulation des récepteurs alpha ou bêta (cocaïne, amphétamines, éphédrine, clenbutérol, bêta-2 mimétiques) du système sympathique ou par blocage de la recapture de la dopamine (cocaïne, éthanol) ; ou encore par blocage des canaux potassiques, sodiques (cocaïne, anabolisants), et augmentation du QTc (cocaïne, éphédrine, narcotiques). A noter que certains produits favorisent aussi la sécrétion de calcium intracellulaire (cocaïne) ou la survenue de désordres électrolytiques (diurétiques, corticostéroïdes, bêta-2 mimétiques, anabolisants).
« Mais la liste des produits agissants sur le système sympathique ne s’arrête pas là » souligne H. Heidbüchel en insistant sur les effets délétères de la caféine (sympathicomimétique, stimulant de l’éphédrine) et du tabac (sympathicomimétique), particulièrement toxiques lorsqu’ils sont consommés juste après l’effort en potentialisant la décharge de catécholamines. Une action d’autant plus manifeste que les sportifs ont préalablement consommé des suppléments alimentaires contenant de l’éphédrine, des boissons énergisantes, ou ont utilisé des gouttes nasales décongestionnantes ! « Enfin, il ne faut pas oublier l’alcool, responsable de ce que les spécialistes appelle : le Holiday Heart Syndrome ».
Enfin, certaines drogues sont bradycardisantes : les bêtabloquants évidemment, mais aussi l’EPO, responsable d’une bradycardie nocturne réflexe génératrice de nombreuses morts subites, et le cannabis qui, à fortes doses, inhibe les réflexes vagolytiques.
Tous ces phénomènes expliquent que des décès par arythmie supraventriculaire peuvent survenir sans anomalie cardiaque sous-jacente.
L’équilibre est rompu
Le deuxième mode d’action consiste en la potentialisation d’une pathologie sous-jacente (trouble de conduction par exemple), essentiellement durant les vacances au cours desquelles l’alcool, le tabac, et certainement la cocaïne sont consommés de manière beaucoup plus importante. En cas de Wolf-Parkinson-White, de tachycardie paroxystique supraventriculaire, de flutter, ou de syndrome de préexcitation chez un athlète, la règle est de soigner ce trouble de conduction le plus agressivement possible (ablation), et non de se contenter du conseil formel d’éviter toute substance proarythmogène.
Fibrose, hypertrophie et cardiomyopathie
Troisième mode d’action reconnu, le développement à moyen ou long terme de conditions anatomiques favorisant la survenue d’une arythmie : fibrose myocardique, hypertrophie ventriculaire, cardiomyopathie dilatée. La liste des agents susceptibles de provoquer ces anomalies est très longue, mais les principaux agents en cause sont évidemment les stéroïdes anabolisants, les glucocorticoïdes, la cocaïne, l’EPO et l’hormone de croissance.
Un risque intrinsèque
Enfin, le cœur d’athlète est, par lui-même, un facteur de risque
de troubles de conduction, essentiellement flutter et fibrillation
auriculaire, mais aussi tachycardie nodale. Le fait n’est pas rare.
Sur 256 patients consécutifs hospitalisés à l’hôpital universitaire
de Leuven pour ablation d’un flutter auriculaire, 48 % n’avaient
aucune anomalie cardiaque structurale et 1/3 d’entre eux étaient
des sportifs pratiquant principalement des sports d’endurance
tandis que dans le groupe des sujets présentant une anomalie
cardiaque, 12 % seulement pratiquaient un sport. Le risque de
fibrillation auriculaire est de 5 à 15 fois plus élevé chez
l’athlète que dans la population générale. H. Heidbüchel explique
ce phénomène par deux mécanismes : d’une part, une augmentation du
tonus vagal au repos et de l’activité sympathicomimétique à
l’effort, et d’autre part, une augmentation de l’intensité de
l’effort grâce notamment à la prise de produits illicites.
Dr Dominique-Jean Bouilliez