
Paris, le samedi 20 février 2016 – Le cancer se range-t-il toujours au rayon des tragédies ? Longtemps, les romans, films et spectacles sur le cancer étaient systématiquement des récits poignants. Si l’humour perçait entre les lignes, il était forcément noir. C’est encore souvent le cas aujourd’hui. Le témoignage de Leslie Demoulin Un jour, je serai une étoile est le récit d’une existence martyr, traversée par la violence et l’abandon avant la découverte à l’âge de 30 ans d’un cancer un corticosurrénalome évolué. Trois ans plus tard, grâce à une intervention conduite par les médecins soucieux de ne pas priver trop tôt la petite Milla de sa mère, Leslie se bat pour demeurer le plus longtemps à ses côtés. Elle lui construit des souvenirs comme elle le raconte dans son livre, avant que les métastases ne l’emportent. Son récit n’élude pas les souffrances continuelles, l’harassante fatigue et la lassitude extrême et ne trouve comme seul sourire celui de Milla.
Jouer
Si Un jour, je serai une étoile vient rappeler l’épreuve du cancer, s’il s’inscrit dans la lignée des récits qui mettent à jour les souffrances et les douleurs, d’autres formes de témoignage ont vu le jour. Ces derniers sont placés sous le signe de l’humour. Ainsi, la jeune Noémie Caillault qui a appris à l’âge de 27 ans souffrir d’un cancer du sein, évoque son parcours médical et intérieur dans un spectacle intitulé Maligne, qu’elle joue à la Pépinière, à Paris. Avec malignité, Noémie évoque ces rendez-vous médicaux que l’on obtient si facilement "grâce" à son cancer, les remarques maladroites des proches (« Noémie, tu as beaucoup de chance », lui lance une amie pour évoquer la qualité de sa prise en charge !) ou encore la sentence de sa famille : « Tu es tellement insupportable que même le cancer ne veut pas de toi ». Le texte est léger et percutant, mais l’émotion s’invite ponctuellement, la maladie et ses traitements étant encore très proches du quotidien de la jeune comédienne.
Dessiner
Ce mélange entre peur et rire se retrouvait également dans les bulles de Lili Sohn qui publia au printemps derniers une bande dessinée intitulée La guerre des tétons où elle évoque elle aussi un cancer du sein diagnostiqué à 29 ans. La bande dessinée permet de plonger dans la pensée de la patiente et de voir se confronter les plus grandes angoisses (celle de la mort) aux interrogations les plus futiles (quel vêtement porter le jour où l’on va se faire opérer ?). Elle met en scène la continuité de la vie en dépit du couperet que constitue l’annonce de la maladie et les perturbations qu’elle entraîne dans ses projets (notamment de maternité).
Braquer
C’est aussi sur le ton de la comédie que le cancer est abordé dans le film d’Edouard Pluvieux Amis Publics avec en vedette l’humoriste idole des jeunes Kev Adams. Pour réaliser le rêve de son frère atteint d’un cancer, un jeune homme héritier des Pieds Nickelés va organiser un braquage, prétexte à des sketches loufoques et bon enfant. Pourtant, les peurs et les angoisses ne sont pas oubliées – elles sont mises à distance grâce à l’humour. Autant de témoignages qui pour le docteur en psychopédagogie Bruno Humbeek, interrogé sur le site du Huffington Post, traduisent l’intégration par la société des progrès de la médecine face au cancer et qui offrent aux malades la possibilité d’un réconfort, plutôt qu’un miroir inquiétant.
Récit : Un jour, je serai une étoile, de Leslie Demoulin, éditions Michalon, 17 euros, 200 pages
Spectacle : Maligne, de Noémie Caillaut, théâtre de la Pépinière, 7, rue Louis Le Grand, 75002 Paris (puis en tournée dans plusieurs villes de France).
Bande dessinée : La guerre des tétons, Lili Sohn, Michel Lafon, 14,95 euros, deux tomes, 224 pages
Cinéma : Amis publics, d’Edouard Pluvieux, 17 février (1h38)
Aurélie Haroche