
La conférence plénière est l'évènement le plus attendu des JNLF. C'est le seul moment de ces 4 journées où tous les neurologues sont réunis pour entendre les paroles d'une autorité dans un domaine le plus souvent à la limite de leur neurologie quotidienne. Cette année, c'est Boris Cyrulnik vulgarisateur prolifique de l'éthologie qui a eu le privilège d'impressionner les neurologues.
L'ancien Doyen P Henri en préambule nous avait bien prévenus, ce neuropsychiatre est un homme à part pour les neurologues et les psychiatres. Pendant une heure, il a tenu en haleine plus de mille neurologues illustrant l'intérêt de l'approche éthologique dans l'étude des comportements affectifs. Son exposé était essentiellement basé sur l'importance de l'altérité dans le développement affectif.
La socialisation par l’épouillage
Les exemples de perturbation du développement social en l'absence de contact avec les autres individus de son espèce sont très nombreux. B Cyrulnik a commencé sa démonstration par des observations sur le comportement des singes. La conscience des animaux est un vaste sujet mais il semble bien que les animaux à défaut d'avoir conscience de leur mort ont un comportement différent en présence d'un mort. Ainsi un animal peut avoir un geste affectif envers un congénère et …le dévorer lorsque celui-ci est mort. Inversement, B Cyrulnik a lui même observé que le comportement d'un groupe de singes a été perturbé pendant une semaine par la survenue d'un décès par noyade d'un des leurs. L'épouillage est une étape importante de la socialisation. Celui-ci ne limite pas à l'élimination de parasites mais permet aussi de déposer une gangue visqueuse protectrice sur la tête de la victime. Si le singe ne se met pas dans une posture incitatrice, l'épouillage ne se fera pas, l'individu ne sera pas accepté par le groupe et pourra développer des affections cutanées ou respiratoires.
L’enfant qui ne tendait pas le doigt
L'enfant vers le 11ème mois a tendance à piloter le regard de sa mère avec le doigt. Il s'agit d'un stade préliminaire au développement du langage. Cette étape est importante comme l'a démontré une étude au cours de laquelle plus de 15 000 questionnaires ont été adressés à des jeunes parents leur demandant si au 11ème mois, leur enfant était capable de tendre le doigt. Parmi les 6 000 réponses, 40 signalaient l’incapacité de l’enfant à faire ce geste. Il s'est avéré après examen et un suivi psychologique que ces enfants étaient autistes.
L'importance de l'environnement affectif a été démontré par l'observation des modifications comportementales des enfants abandonnés (en période de guerre....). Ceux-ci ont une taille plus petite, sont en état d'alerte permanent et ont un comportement autoagressif.
Un trop plein d’empathie
Un autre exemple des conséquences de l'importance de l'empathie est la trop grande proximité affective de certains médecins avec leur patients aboutissant à un épuisement. professionnel. Il semble que les spécialités les moins techniques soient particulièrement exposées. Ainsi, les psychanalystes qui ne peuvent se réfugier derrière des manipulations thérapeutiques ou des examens complémentaires ont deux fois plus de risque de se suicider que les psychiatres qui sont quand à eux deux fois plus suicidaires que les autres médecins.
Enfin, B. Cyrulnik a fini son exposé par la description des comportements pervers qui pour lui sont en relation avec un manque total d'empathie, l'autre n'étant considéré que comme un objet. En conclusion, si l'enfer c'est les autres… nous avons besoin des autres pour nous développer harmonieusement...
Dr Christian Geny