
Contre-productif ?
Beaucoup se sont félicités (tout en regrettant parfois leur caractère tardif) de ces prises de position vis-à-vis des deux praticiens de la cité phocéenne, dont d’aucuns considèrent qu’ils ne sont pas étrangers au retard de vaccination que l’on constate dans certains quartiers populaires de la ville. D’ailleurs, sur les réseaux sociaux, on observe qu’il n’est pas rare que les deux hommes soient cités pour justifier le refus du vaccin. Cependant, la distance prise par les institutions officielles peut également accroître la figure de « gourou » de ces « rebelles » en leur conférant une aura de « martyr », tandis que l’identification est d’autant plus facile pour ceux qui souvent se sentent « exclus » de la société. C’est ce que résumait dans le Monde il y a quelques semaines le Dr Olivier Joannes-Boyau, président du comité réanimation de la Société française d’anesthésie-réanimation à propos du Dr Louis Fouché « Quand Fouché raconte des énormités, plus on va contre, plus ça alimente son délire ».Brillant mais atypique
S’il est difficile de mesurer l’impact des mesures d’éviction qui peuvent être prises contre ceux qui sont devenus de véritables héros (et héraut ?) pour les milieux complotistes et antivaccins, un parcours tel celui du docteur Louis Fouché ne peut qu’interroger sur la façon dont certaines personnalités dérivent d’une carrière apparemment toute tracée à des mouvances presque sectaires. A première vue, Louis Fouché avait tout du jeune homme brillant, promis à une belle carrière. Après avoir fait hypocagne et des études de philosophie et d’histoire antique, il s’oriente vers la médecine et choisit la difficile spécialité d’anesthésie-réanimation. Ses anciens camarades d’internat et même certains de ses professeurs se souviennent de lui comme d’un jeune homme brillant. Cependant, déjà les prémices d’une certaine tendance à la contestation est remarquée : elle est d’abord perçue comme une forme d’originalité et d’audace (ses discours contre l’industrie pharmaceutique marquent ainsi les esprits). Sans doute, son éloquence et sa façon d’émailler ses propos de références philosophiques et historiques savaient déjà à l’époque séduire son auditoire.Dictature et vaccins mortels
C’est ce qui probablement est le premier ingrédient qui explique le succès de Louis Fouché. S’y ajoute évidemment le discours anti-doxa sur l’épidémie, qui est allé crescendo. Après des appels à dédramatiser (qui s’appuyaient sur une expérience quelque peu faussée puisque son service de réanimation dédié aux grands brûlés a été bien moins mobilisé que d’autres), il a bientôt clairement orienté son discours contre les mesures sanitaires. Non content d’en discuter la proportionnalité, il a rapidement fustigé « une dictature ». Aujourd’hui il concentre son discours sur les vaccins, qu’il considère comme responsables d’une « mortalité inédite » comme il l’explique sur son site ReinfoCovid.Collectif en trompe l’œil
La lecture de ce portail rappelle tout d’abord combien les mouvements complotistes sont attirés par les injonctions contradictoires. Ils mettent ainsi souvent en avant la force du « collectif » qu’ils opposent aux élites individualistes et corrompues. De fait, Louis Fouché aime à affirmer comme il l’a fait au Monde il y a quelques semaines : « Nous sommes plus de trente-cinq porte-parole, 1 950 médecins et universitaires, 2 000 soignants, Fouché n’est qu’un parmi d’autres », assure-t-il. Pourtant, difficile d’ignorer que « Fouché » est quasiment sur toutes les pages et qu’une forme de « culte » autour de sa personnalité n’est pas étrangère au petit succès de son site.Paradoxes apocalyptiques
L.C.