
Paris, le samedi 21 décembre 2013 – Les fêtes de fin d’année ne sont pas pour tous synonyme d’enchantement : certains se laissent difficilement imprégner par l’atmosphère féérique du moment. Ils préfèrent tenter de déceler la magie dans quelques œuvres d’art. Ce pourrait être par exemple un rêve d’enfance, tel celui proposé par le film Belle et Sébastien, de Nicolas Vanier. Dans cette adaptation libre du roman de Cécile Aubry, l’aventurier et romancier ne s’est cependant pas uniquement contenté de retracer les aventures de Sébastien et son incroyable chien qui ont nourri l’imaginaire de tant d’enfants, il y a plusieurs décennies. Le rêve n’est pas tout à fait intact, puisque Belle et Sébastien se retrouvent au cœur de la seconde guerre mondiale, observant les rivalités des adultes. Si le cauchemar de la guerre prend donc parfois le pas sur le rêve de l’enfance, le manichéisme n’est pas oublié avec de beaux personnages de juste tel celui du docteur Guillaume, l’un des principaux héros de l’histoire, qui soigne et vient en aide aux juifs et résistants pourchassés par les nazis.
Drôle d’endroit pour une rencontre
Si Belle et Sébastien ne vous aura pas offert une magie intacte, une comédie sentimentale comme « 2 automnes, 3 hivers » le pourra-t-elle ? Dans ce film de Sébastien Betbeder, avec pour personnage principal l’incontournable Vincent Macaigne (qui interprète Arman), la rencontre amoureuse n’a rien perdu de sa magie. Arman va en effet se transformer en chevalier de conte de fées pour sauver sa belle Amélie des griffes d’un méchant rodeur (et probablement violeur). Celle-ci offrira son amour à Vincent Macaigne tandis que celui-ci est soigné d’une méchante blessure. Mais une fois encore ce qui semblait être une épopée fantastique va rejoindre la triste réalité : celle d’un hôpital où est envoyé le meilleur ami d’Arman frappé par un AVC. Heureusement, il rencontrera lui aussi l’amour dans le centre où il est rééduqué. Ainsi, la bluette, dont certaines scènes sont irrésistibles de drôlerie, oscille entre le rêve et la réalité, soit pour certains, le rêve et le cauchemar.
Drôle d’endroit pour s’envoler
La vie de Joseph Cornell a été à bien des égards un sombre cauchemar. Le père de ce sculpteur américain mort en 1972 est en effet emporté par une leucémie quand il n’a que 14 ans. Joseph reste seul avec sa mère et son frère lourdement handicapé : il ne quittera jamais la maison de son enfance, afin de pouvoir prendre soin de ce dernier. Un rêve, une échappatoire était-il seulement possible pour ce jeune homme si tôt frappé par le malheur ? Ses œuvres exposées au Musée de Beaux Arts de Lyon offrent incontestablement une réponse positive : elles sont toutes habitées par une fantaisie et une poésie féérique que n’obscurcit que l’ombre de l’enfermement. Cette synthèse improbable s’illustre notamment dans « La Femme montgolfière » comme retenue par les fils d’une marionnette.
Drôle d’endroit pour l’inné
Nous sommes tous des marionnettes dans le roman d’Alexandre Delong, « 2054 », ou plus exactement les créations d’Ethan Price. Ce jeune homme est un étudiant en médecine particulièrement brillant sur lequel ont lourdement investi plusieurs sociétés. Ethan Price est en effet en 2054 un spécialiste d’orthogénie : une science qui permet aux parents de choisir toutes les caractéristiques physiques et psychologiques de leurs enfants. L’accès à de tels soins n’est cependant possible que moyennant de lourdes sommes, ce qui donne lieu à de sombres tractations financières. « 2054 » qui emprunte ses références au « 1984 » d’Orwell (jusque dans son titre) et au « Meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley nous rappelle comme ses illustres prédécesseurs comment l’utilisation par des sociétés sans liberté des outils technologiques les plus modernes peut conduire du rêve au cauchemar.
Aurélie Haroche