
La dysfonction respiratoire (DR) est définie comme une dyspnée associée à un schéma respiratoire anormal (SRA) en l’absence de toute affection cardiopulmonaire identifiée ou d’intensité disproportionnée à la cause sous-jacente. Elle est associée à différents symptômes respiratoires ou extra respiratoires. La DR peut être en rapport avec un syndrome d’hyperventilation (SHV) typique, qui illustre bien cette condition pathologique, mais parfois l’identification du problème respiratoire en cause est complexe. La DR est souvent citée dans les manifestations cliniques du COVID long. Sans que cette pathologie respiratoire soit liée à la gravité de l’infection initiale, elle semble avoir un impact fonctionnel et une altération de la qualité de vie significatifs pour les malades.
Une série prospective de 48 cas
L. Génécand et coll. décrivent une série de 48 malades, observés prospectivement, présentant une DR avec SRA, documentée par une épreuve cardiopulmonaire d’exercice (EFX), recrutés consécutivement parmi 264 sujets consultant entre mars et octobre 2021 pour des manifestations de COVID long. Il s’agissait de sujets sans antécédent respiratoire, fumeurs ou ex-fumeurs dans 31 % des cas, d’âge moyen 48,5 (± 15) ans, pour 69 % de sexe féminin.
’infection COVID-19 était survenue 212 jours (intervalle de confiance à 95 % : 118 jours) avant l’EFX et avait été bénigne le plus souvent (71 % des cas) avec toutefois un score fonctionnel post COVID-19 (PCFS) supérieur à 1 dans 72 % des cas. Aucune affection cardiopulmonaire ou neuromusculaire pouvant expliquer les symptômes respiratoires n’a été identifiée. Le score de dyspnée mMRC était > 2 dans 87 % des cas.
Le profil anxieux des sujets était modéré à sévère pour 77 % d’entre eux. La qualité de vie évaluée par le score SF-36 était plus basse que les valeurs de référence. Un score de Nijmegen, prédictif de SHV s’il est égal ou dépasse la valeur de 23, était retrouvé chez 69 % des sujets, principalement (> 50 %) pour les items « respiration plus rapide ou profonde », « palpitations » et « respiration courte ». Il s’y ajoutait un taux élevé de soupirs (49 %) ou bâillements (46 %) émaillant la respiration (items ne figurant pas dans le score de Nijmegen).
Il est admis qu’il n’y a pas de critère définitif (gold standard) du SHV à l’EFX. Aussi les auteurs ont-ils fait le choix du calcul de la pente VE/VCO2 (ventilation totale rapportée au volume expiré de CO2) qui reflète l’efficacité ventilatoire pendant l’effort et fait partie des critères de diagnostic du SHV. Une valeur > 30 est en faveur d’un SHV. La recherche visuelle d’un SRA par examen des courbes de l’EFX a constitué un autre élément de diagnostic des DR. On notera que le pic maximal moyen de VO2 était à 87 % de la valeur théorique, ce qui n’en faisait pas des sujets déconditionnés.
Trois profils et un lien avec l’anxiété
Au terme de cette recherche, les auteurs proposent 3 profils de DR : le diagnostic de SHV pur est retenu chez 10 sujets (21 %) ; un deuxième profil est identifié à partir de l’analyse visuelle des tracés de l’EFX et paraît prédominer : la « respiration profonde avec soupirs » (22 sujets, 46 %) ; enfin le troisième profil est « mixte » chez 16 sujets (33 %) chez qui on retrouve un mélange de caractéristiques des 2 premiers groupes. Les auteurs concluent que des manifestations respiratoires évoquant une DR avec SRA ne sont pas rares dans le COVID long. Les profils dysfonctionnels sont variables, mais très liés à l’anxiété et altérant notablement la qualité de vie.
Dr Bertrand Herer