
Lausanne, le samedi 17 janvier 2015 - Redonner aux paraplégiques la possibilité de marcher est un des objectifs ambitieux que suivent sans relâche plusieurs équipes de chercheurs en neurologie. Mais c’est sans nul doute du côté de l’Ecole Polytechnique de Lausanne que semblent aujourd’hui se trouver les plus grandes raisons d’espérer.
Déjà en 2012, l’équipe de Grégoire Courtine avait fait parler d’elle en révélant les résultats d’une étude menée chez des rats rendus paraplégiques par une lésion quasi-totale de la moelle épinière. Ces chercheurs avaient en effet montré qu’en exerçant sous cette lésion deux types de stimulations : chimique par l’injection d’un cocktail de molécules stimulant les neurones (adrénaline, noradrénaline, dopamine…) et électrique via des électrodes implantées sur la partie dorsale de la moelle épinière, il était possible de « réveiller » cette dernière. La moelle épinière ainsi stimulée est apparue alors en effet de nouveau capable de recevoir et d’interpréter les signaux envoyés par les organes sensoriels. Au prix d’un entrainement soutenu, les rats ainsi traités ont pu remarcher après quelques semaines de manière involontaire (sur tapis roulant) puis volontaire.
Un pas de plus…
Depuis deux ans, c’est évidemment l’application de cette
découverte chez l’homme qui préoccupe nos chercheurs. Mais il faut
pour cela disposer d’un implant « multifonctionnel » pouvant
délivrer les stimulations électriques et chimiques et pouvant
rester en place à long terme sur la moelle épinière. Or les
implants neuronaux dont on dispose actuellement sont trop rigides,
à l’origine de frictions répétées sur les tissus nerveux,
entraînant phénomènes inflammatoires, rejets et lésions
cicatricielles.
C’est pour pallier ces obstacles que l’équipe de Lausanne a mis au
point un nouvel implant baptisé e-Dura qui semble bien remplir
toutes les qualités requises. Composé de silicone, matériau
élastique « comme la dure-mère », l’appareil mesure 3 mm de largeur
et 200 µ d’épaisseur. Au sein de ce substrat de silicone, des
canaux microfluidiques assurent la délivrance des substances
chimiques et les stimulations électriques sont « réalisées par
des pistes électroniques étirables faites d’or craquelé et
d’électrodes souples de 100 µ de diamètre faites dans un matériau
nouveau (silicone et microbilles de platine) ».
Au total ce dispositif très innovant, fruit de la collaboration de plusieurs savoir-faire en électronique, neurosciences et neurologie, peut être mis en place sous la dure-mère au contact même de la moelle qu’il « épouse » et dont il suit tous les mouvements sans l’endommager.
L’implant e-Dura a été testé chez des rats paralysés, chez lesquels il a été bien toléré sans provoquer ni rejet ni inflammation sur deux mois de suivi et auxquels il a permis de recouvrer la marche en association à un entraînement soutenu.
Le bout du chemin, l’essai chez l’homme, reste encore loin. « Les nouveaux matériaux utilisés doivent être homologués. Il faut également rendre implantables le boîtier électronique et le réservoir à médicaments puisqu’on ne peut envisager chez les patients un système fonctionnant avec des fils à l’extérieur » souligne le Pr Stéphanie Lacour co-auteur de l’étude relative à e-Dura, publiée dans Science.
Le potentiel des applications de ces implants de surface pourrait être large : paraplégies mais aussi maladie de Parkinson, ou traitement de la douleur.
Dr Marie-Line Barbet