
Paris, le vendredi 23 janvier 2015 – Les premières semaines de l’année ont été marquées par des signes encourageants en ce qui concerne la décrue de l’épidémie en Afrique de l’Ouest. La diminution est la plus spectaculaire au Liberia où seuls huit nouveaux cas ont été recensés la semaine dernière (contre 300 par semaine en août et en septembre). Des tendances semblables sont retrouvées en Guinée où l’on a déploré une vingtaine de patients et en Sierra Leone qui a cependant enregistré encore 117 cas (contre 184 la semaine précédente). Cette évolution favorable incite les pays à assouplir les mesures prises pour enrayer la propagation de l’épidémie. Ainsi, les mesures de quarantaine ont été largement levées en Sierra Leone où le président estime qu’il est temps de donner aux pays les moyens d’accélérer « la reprise économique et sociale ». Par ailleurs, a été annoncé dans ce même pays, la suppression à partir du mois de mars de la prime de risque accordée aux soignants, alors que le nombre de professionnels de santé infectés ces dernières semaines a drastiquement chuté.
Des nouvelles méthodes pour mieux répondre à ces défis
Ce recul de l’épidémie sonne pour certains l’heure des premiers bilans. Différentes leçons doivent notamment être tirées sur la gestion de ce type de crise. A ce sujet David Nabarro, envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la lutte contre l’épidémie d’Ebola interrogé par le Monde juge que la situation actuelle révèle la nécessité de développer d’autres formes de réponse que celles déployées aujourd’hui. « L’aide extérieure ne peut pas se substituer aux Etats. Elle ne peut être qu’un renfort que l’on mobilise au coup par coup. Une option serait de créer des "task forces" mobilisables sur un "coup de sifflet" dans chaque région du monde. Elles réuniraient des experts bien préparés au terrain, déjà vaccinés, ayant l’habitude de travailler ensemble et capable de sauter immédiatement dans un avion » décrit-il. D’autres réflexions suggèrent qu’après cette crise, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne pourra faire l’économie d’une véritable remise en cause de ses méthodes d’appréciation des situations les plus menaçantes. Les critiques ont en effet été très nombreuses face à sa gestion de l’épidémie et concernent tous les points, jusqu’à la présentation du nombre de cas. « Ca ne sert à rien de dire qu’il y a tant et tant de cas confirmés et de décès depuis le début de l’épidémie, ce qu’il faut c’est de savoir combien de cas par semaine, c’est la seule méthode pour comprendre l’évolution de la maladie » s’est ainsi emporté le professeur de santé publique suédois Hans Rosling, qui travaille avec le ministre santé du Liberia, lors d’une conférence sur Ebola à Davos.
Un premier candidat vaccin arrive en Afrique
Sur le terrain, les enseignements seront également nombreux. Beaucoup ont signalé combien cette épidémie meurtrière avait révélé les insuffisances des systèmes de soins des trois états. Pourtant, certains se montrent optimistes et veulent croire que dans certains domaines la santé sortira renforcée. David Nabarro observe par exemple : « Avec Ebola, le comportement des gens a changé. Ils ont pris conscience de l’importance de certaines mesures d’hygiène, comme de se laver les mains régulièrement. Cela peut avoir un impact très positif sur la santé, en réduisant les risques de contamination » note-t-il. Enfin, il est certain que l’un des points positifs de cette épidémie est la forte mobilisation des laboratoires publics et privés de recherche pour la mise au point de traitements et médicaments efficaces. Dernier exemple en date : la livraison des premières doses du candidat-vaccin de GSK et du NIH au Liberia ce vendredi. « Il sera le premier à parvenir dans l’un des principaux pays affectés par la fièvre Ebola et sera utilisé dans le cadre du premier essai d’efficacité de vaccins expérimentaux à grande échelle dans les prochaines semaines » s’est félicité GSK.
Dans les labos, comme sur le terrain, la bataille est loin d’être gagnée
Cette recherche dynamique pourrait cependant être freinée par l’évolution du virus. Des chercheurs de la Société américaine de microbiologie (ASM) publient en effet cette semaine dans la revue mBio les résultats de travaux mettant en évidence des modifications du génome de la souche présente en Afrique de l’Ouest « voire des mutations dans environ 3 % du génome, qui pourraient affecter les thérapies géniques mises au point au début des années 2000 à partir de souches d’Ebola responsables des épidémies en 1976 et 1995 » avertit le directeur du Centre de science génomique à l’Institut de recherche médicale sur les maladies infectieuses de l’Armée américaine (USMRIID), Gustavo Palacios. Parallèlement à ces mutations qui pourraient amoindrir les efforts réalisés par les laboratoires de recherche, d’autres inquiétudes concernent le maintien de certains foyers encore très actifs, ainsi que la perpétuation de rites funéraires dangereux. David Nabarro indique notamment que l’inquiétude concerne en particulier la Guinée. Des difficultés demeurent dans la région de Nzérékoré près de la Côte d’Ivoire et dans la zone de Forécariah autour de Conakry. Il note encore que dans certaines localités de Sierra Leone, les indicateurs restent également au rouge.
Aurélie Haroche