EBV et SEP : épiphénomène ou facteur causal ?

EBV (Epstein-Barr Virus) est un virus ubiquitaire qui a atteint à un moment ou l’autre de leur vie 95 % des adultes. Les études épidémiologiques l’ont associé à des tumeurs portant sur les lymphocytes ou les cellules épithéliales ainsi qu’à plusieurs pathologies auto-immunes. Mais le débat est encore ouvert sur la responsabilité de ce virus dans la genèse de la sclérose en plaques (SEP)

La SEP, une complication rare de l’infection par EBV…

A l’appui de cette déclaration, le Pr Alberto Ascherio (Boston) fait d’abord état de l’étroite corrélation entre la présence de ce virus et de la survenue d’une SEP, association que l’on ne retrouve pour aucun autre virus. Par ailleurs, les études épidémiologiques ont montré que l’infection se développe très tôt dans la vie (vers 4-6 ans) dans les pays où l’hygiène est moins stricte. Cependant, cela ne se traduit pas par une augmentation d’incidence de la SEP, contrairement à ce que l’on observe dans nos régions où le pic d’incidence de l’infection se situe vers 18 ans.

Ceci a généré l’hypothèse hygiénique de la SEP, qui postule qu’une exposition tardive à ce virus provoque une réponse immunitaire pro-inflammatoire à haut risque de provoquer une SEP. Un autre argument développé par A. Ascherio passe par le constat de la très grande rareté de la SEP chez les personnes EBV négatives ainsi que par la, plus forte incidence de la maladie chez les patients EBV+ qui ont développé les symptômes d’une mononucléose que chez les patients EBV+ sans antécédent de mononucléose, corrélation que l’on ne retrouve pas pour d’autres virus comme le CMV.

De plus, l’infection par EBV précède toujours l’apparition de neurofilaments à chaîne légère (Nfl), ce qui ne s’observe pas avec d’autres virus. Enfin, l’infection par EBV est la seule infection virale qui se traduit par une dérégulation immunitaire semblable à celle de la SEP avant qu’elle ne se déclenche.

… ou un épiphénomène potentiateur d’auto-immunité

Pour développer son argumentaire, le Pr William Robinson (Stanford) rappelle que la SEP n’est pas la seule maladie auto-immune dans laquelle EBV a été incriminé comme en témoignent les études portant sur la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de Sjögren ou le lupus. Pour l’expliquer, il fait état du mimétisme moléculaire que l’on observe entre EBNA1 (Epstein–Barr nuclear antigen 1), une protéine exclusive de EBV, et certains anticorps que l’on retrouve dans la SEP, dans le lupus ou le Sjögren ainsi qu’avec l’antigène citrulliné de la polyarthrite rhumatoïde. On sait aussi qu’EBNA2 régule les allèles de risque auto-immunitaire et que la réactivation lytique du virus favorise ce mimétisme moléculaire. D’autres virus (HHV6, Poxvirus, …) peuvent également initier une SEP, tandis que la possibilité d’une seconde infection n'est pas exclue.

Enfin, tous les patients qui déclarent une mononucléose infectieuse ne déclencheront pas une SEP, loin de là, même lorsqu’ils ont des facteurs de risque génétique, toutes conditions qui permettent à William Robinson de conclure que l’on ne dispose pas d’arguments suffisants pour faire de la SEP une complication de la mononucléose infectieuse. Un verre à moitié vide ?

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Session Hot Topic 1 : MS and EBV – implications for management and treatment. ECTRIMS 2023, Milan, 11-13 octobre 2023

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