
Paris, le samedi 25 juin 2022 – Il a logiquement pris le premier rang de la photo de famille des 131 députés de la NUPES, l’union de la gauche parlementaire. Au milieu de tous ces nouveaux députés qui faisaient leur entrée au Palais Bourbon ce mardi, difficile de ne pas le remarquer. Sébastien Peytavie est en effet le seul parlementaire à se déplacer en fauteuil roulant. Elu ce dimanche député de la Dordogne en tant qu’écologiste avec plus de 55 % des voix, il est paraplégique depuis l’âge de 3 ans, lorsqu’une opération cardiaque s’étant compliquée lui a fait perdre définitivement l’usage de ses jambes.
Rugbyman amateur et psychologue clinicien
Si l’entrée d’une personne à mobilité réduite (PMR) à l’Assemblée est saluée par les observateurs, Sébastien Peytavie n’a aucune envie d’être un porte-étendard et d’être catalogué comme le député des handicapés. La place du handicap dans la société « n’est pas forcément le combat que je vais mener, mais j’y serais vigilant » assure-t-il. « Mon handicap n’était pas le sujet de la campagne » rappelle-t-il, la preuve étant que son fauteuil roulant n’apparaissait même pas sur ses affiches électorales et qu’il est fort probable que certains de ses plus de 24 000 électeurs n’aient pas eu vent de sa situation.
Entré en politique en 2017 lors de la campagne présidentielle du socialiste Benoit Hamon, cet amateur de rugby en fauteuil roulant espère surtout faire entendre sa voix sur les questions de lutte contre le réchauffement climatique et de pouvoir d’achat. Peut-être aussi pourra-t-il s’appuyer sur son expérience professionnelle quand seront abordés des questions de santé, puisqu’il exerce comme psychologue clinicien à l’hôpital de Sarlat. Il l’assure cependant, quand le sujet du handicap sera débattu, il n’hésitera pas à « porter la voix de tous ceux qui sont en marge » et souhaite notamment obtenir la dé-conjugalisation de l’allocation adulte handicapé (AAH), un combat de longue date de la gauche.
L’Assemblée Nationale ne respecte pas ses propres lois
S’il souhaite donc être un député normal, son handicap l’a rapidement rattrapé ce mardi lors de son entrée au Palais Bourbon. En effet, bien que les députés votent régulièrement des lois imposant aux entreprises et aux services publics de se rendre accessibles aux PMR, l’ancien hôtel particulier de la duchesse de Bourbon ne l’est pas entièrement. Des travaux ont ainsi dû être réalisés en urgence entre dimanche et mardi pour faciliter la vie du député de la Dordogne.
S’il a pu finalement se déplacer dans les travées du palais sans grande difficulté, il constate que « l’hémicycle n’est pas accessible, à part au rez-de-chaussée ». Bien que membre de l’opposition, il siégera donc (sans mauvais jeu de mots) aux cotés des membres du gouvernement. « Il n’y a jamais eu de député en fauteuil roulant de manière permanente, donc cette réflexion n’a pas été réfléchie sur du long terme » explique le député, qui s’est vu promettre des travaux supplémentaires et l’installation d’un boitier pour voter.
Quand la France décapitait ses députés
Notons que Sébastien Peytavie n’est pas le seul des 577 députés à souffrir d’un handicap. Outre Damien Abad, réélu député de l’Ain dimanche mais qui ne siégera pas (tant qu’il sera ministre !), José Beaurain est lui devenu le premier député aveugle de notre histoire républicaine. Elu sous les couleurs du Rassemblement National (RN), cet accordeur de piano et ancien champion de bodybuilding a perdu la vue à 37 ans à cause d’un glaucome congénital. Il espère pouvoir être autorisé à pénétrer dans l’hémicycle avec son chien-guide et compte sur « la courtoisie générale pour ne pas être abandonné en plein milieu de l’hémicycle ».
Enfin, rappelons pour les amateurs d’Histoire, que la France a déjà connu un député souffrant de handicap moteur sévère, puisque Georges Couthon, député à la Convention Nationale de 1792 à 1794, était ce que l’on n’appelait pas encore un PMR. Membre du Comité de Salut Public, il se déplaçait grâce à une sorte de chaise roulante artisanale ayant appartenu à la ci-devant duchesse de Penthièvre, désormais exposée au Musée Carnavalet à Paris. Son handicap ne lui avait pas permis d’échapper à la guillotine lors de la chute de son ami Robespierre, sort partagé par beaucoup de députés de cette époque troublée.
Pas d’inquiétude pour Sébastien Peytavie et ses 576 collèges, les mœurs politiques se sont heureusement assagies au fil des deux derniers siècles.
Quentin Haroche