Tout a commencé avec des analyses rétrospectives d'essais menés chez des patients souffrant de BPCO et qui suggéraient que le taux/niveau inital d'éosinophiles dans le sang pouvait prédire la réponse à une corticothérapie inhalée. Cependant, une des limites de cette observation était que les études considérées n'étaient pas forcément comparables, ce qui rendait un peu fragiles les conclusions que l'on pouvait tirer de ces analyses post-hoc.
Impact de l'ajout d'un ICS
A Londres, Salman H. Siddiqui (Leicester, Royaume-Uni) a présenté les résultats d'une telle analyse post-hoc effectuée sur les données de 3 essais cliniques ayant un design identique et comparant des traitements par ß2-agonistes à longue durée d'action (LABA), pris isolément, ou accompagnés d'une corticothérapie inhalée (ICS). Il s'agissait de deux essais vilantérol seul versus vilantérol + furoate de fluticasone et d’un essai formotérol seul versus formotérol + dipropionate de béclométhasone.
Les investigateurs ont recherché l'impact du nombre absolu d'éosinophiles dans le sang, documenté lors de l'inclusion dans les études, sur le risque de survenue d'exacerbations modérées pendant une période de suivi allant de 48 à 52 semaines selon les essais.
Les trois essais donnent des résultats concordants à savoir que, pour les sujets traités par LABA seuls, plus le nombre initial d'éosinophiles est élevé, plus le risque d'exacerbations est élevé (relation continue sans seuil de déclenchement ou de décrochage). Cette association n'est pas retrouvée chez les patients traités par une combinaison LABA/ICS.
Ce travail montre également que ce sont les sujets dont le nombre initial d'éosinophiles est élevé qui tirent le meilleur profit de la corticothérapie inhalée (réduction des exacerbations et amélioration de la fonction pulmonaire).
Impact de la suppression d'un ICS
Des résultats du même type émanent d'une analyse post-hoc de l'étude WISDOM présentée par Peter Calverley (Liverpool, Royaume-Uni). Pour mémoire, cette étude évaluait l'impact de l'arrêt progressif d'une corticothérapie inhalée par fluticasone chez des patients présentant une BPCO sévère recevant un traitement par salmétérol (LABA) et tiotropium (LAMA pour long acting muscarinic antagonist). Les résultats présentés à Londres suggèrent que seule une minorité de patients (4 %) traités de façon optimale par une association de bronchodilatateurs à longue durée d'action (LABA/LAMA) tirent réellement profit de l'ajout d'un ICS. Il s'agirait des patients qui se caractérisent par des antécédents d'exacerbations fréquentes (≥ 2 au cours de l'année précédant leur enrôlement dans l'étude) et qui ont plus de 400 éosinophiles/µl dans le sang.
En pratique et pour l'instant
Pris dans leur ensemble ces données consolident l'idée que les éosinophiles pourraient bien être un biomarqueur utile dans la prise en charge de la BPCO s'il se confirme que leur taux et/ou leur nombre permet de repérer le sous-groupe de patients chez qui l'ajout d'un ICS peut être bénéfique. Ce qui veut dire, en envisageant la question dans l'autre sens, éviter les prescriptions qui ont toute chance d'engendrer plus de risques que de bénéfices.
Les énormes implications cliniques et financières de ces travaux expliquent l'intensité du débat au sein de la communauté scientifique et des firmes pharmaceutiques et n'en doutons pas généreront encore de multiples travaux, et d'âpres discussions d'experts en l'attente d'éventuelles données prospectives randomisées dont on n'entend guère parler pour le moment.
Dr Jean-Claude Lemaire