
P. BRENOT et M. NAOURI-VISCHEL,
DIU de Sexologie et Sexualité Humaine, Université Paris Descartes
Serge et Camille se sont rencontrés sur les bancs du lycée et ne se sont plus quittés. Amour, projets, avenir, enfants, famille… jusqu’au jour terrible de 2010 où cette voiture, en face… « Après, je n’ai plus de souvenir », confie Camille. Elle évoque avec très peu de mots l’accident dont Serge est sorti indemne, mais qui a brisé son rachis et sa vie. Les conséquences sont graves, Camille est tétraplégique. Après la réanimation et les longs mois de réadaptation fonctionnelle, Serge et Camille sont à nouveau réunis : Serge a trouvé un télétravail qui lui permet de rester à domicile pour devenir « l’aidant » de Camille.
L’amour est-il suffisant ? Serge ne quitte pas Camille un
instant, s’occupant de sa toilette, des repas, des courses, et de
tout ce qui la concerne. Le lien amoureux est très fort, mais
l’absence de sexualité inquiète Camille : « C’est certain, il
va me quitter. C’est un homme, il a des besoins que je ne peux plus
satisfaire. » La santé sexuelle est un élément fondamental de
la qualité de vie et aujourd’hui de la relation amoureuse. Nous
devons non seulement soigner, proposer des aides techniques, mais
aussi prendre en compte le bien-être de nos patients. Pour cette
raison, la sexualité doit être abordée dès que possible, même si ce
n’est pas simple. Encore faut-il que le sujet soit considéré comme
digne d’attention par les soignants. Car la sexualité des personnes
vivant avec un handicap est encore aujourd’hui un sujet tabou dans
notre société, suscitant des réactions d’angoisse et d’hostilité.
De multiples idées fausses circulent à ce sujet : l’absence de
désir ou la soi-disant abstinence des handicapé(e)s physiques. Et
puis la revendication d’une vie sexuelle épanouissante qui, pour
certains, peut paraître choquante. Or, les lésions médullaires
traumatiques atteignent essentiellement des adultes jeunes pendant
la période la plus active de leur vie sexuelle. La prise en charge
sexologique est alors essentielle pour leur permettre de surmonter
les séquelles du handicap et se reconstruire. Sortir de la
dépression Depuis quelques semaines, la dépression est moins
sévère. Camille s’occupe plus de son apparence, elle se maquille,
se fait coiffer, choisit avec plus de soin les vêtements qu’elle
porte. Elle dit
ressentir de temps en temps un peu de désir – c’est surtout une
envie d’intimité – mais elle s’empêche d’y penser trop longtemps.
Car « Comment se sentir femme et attirante ? Que proposer à «
son homme » alors que la fatigue est permanente et que je ne
ressens rien ?Et si une fuite urinaire survenait au moment
de l’amour ? ». De nombreux facteurs sont là pour empêcher la
sexualité : la perte, ou la diminution, de la motricité et de la
sensibilité ; les manifestations d’hyperréflexivité ; les
contractures ; et cette possible incontinence.
Cependant, malgré la perte de sensibilité génitale et une
lubrification insuffisante, il faut savoir que la possibilité méca
nique du rapport sexuel est, la plupart du temps, conservée. Et
aussi que la sexualité ne se réduit pas au coït. C’est par la
sensualité (caresses, massages, etc.) que renaît le plus souvent la
sexualité. Et comment retrouver la séduction ? Le corps malade,
soumis au regard des autres, ne répond plus aux canons de
l’esthétique. L’image de soi est perturbée. Le projet d’une
relation amoureuse et sexuelle épanouie semble souvent utopique
chez une femme handicapée. Confrontée à l’angoisse de dévoiler une
anatomie « non conforme » (cicatrices, contractures,
incontinence…) ou d’être « maladroite » dans l’acte
sexuel, elle redoute d’être aimée par compassion et se replie sur
elle-même. Il lui faut réapprendre la sensualité, développer de
nouvelles zones érogènes, accepter que le regard des autres ait
changé et, surtout accepter d’être à nouveau capable de séduction.
Accompagner Les désirs d’amour, de sexualité et d’enfant sont
identiques, que l’on soit valide ou handicapé(e). Quel que soit le
type et la gravité du handicap, chacun peut rencontrer un
partenaire et vivre une relation amoureuse qui lui convienne. C’est
à nous, soignants, d’informer et d’accompagner les porteurs de
handicap pour permettre cet épanouissement.