Être albinos à Bordeaux…

L’albinisme se traduit par une peau et une chevelure hypopigmentées de manière très variable (tous les albinos ne sont pas blancs), avec photosensibilité. Ces personnes sont également plus susceptibles de développer des cancers cutanés. Par ailleurs, les problèmes ophtalmologiques sont habituellement à l’avant-plan, marqués par une réduction de l’acuité visuelle, une photophobie, un aspect rouge de l’iris à la transillumination, une hypopigmentation rétinienne, une hypoplasie fovéale et un défaut de décussation des nerfs optiques.

Maladie autosomique hétérogène car elle implique plusieurs gènes, l’albinisme se présente souvent sous forme d’un syndrome avec des maladies associées pulmonaires, sanguines, digestives, auto-immunitaires, ou, comme dans le syndrome d’Hermansky-Pudlak, par une diathèse hémorragique et, dans quelques cas, une neutropénie, une fibrose pulmonaire ou une colite granulomateuse. C’est dans ce cadre que plusieurs questions se posent encore sur les sous-types de l’albinisme et leurs relations avec le risque de cancer cutané, sur les complications, sur le lien entre génotype et phénotype.

Pour mieux y répondre, Alain Taïeb a revu 3 ans de données de patients suivis à l’hôpital de jour ‘albinisme’ à Bordeaux après avoir inclus les antécédents des patients (phototype des parents, évaluation de la dépigmentation à la naissance), la tendance au bronzage, la présence de nævi ainsi que leur évaluation ophtalmologique.

Au total, 92 patients (52 enfants et 40 adultes) ont été revus, la majorité éayant un albinisme oculo-cutané de type 1 [OCA 1] (n = 31) ou de type 2 (n = 28). 98,5 % présentaient une hyperplasie fovéale, 97,2 % un nystagmus et tous avaient une hypopigmentation rétinienne. Sur le plan cutané, une hypopigmentation de la peau et des cheveux était retrouvée chez 55 % d’entre eux et des nævi pigmentés étaient présents chez 28 %. Une kératose actinique était constatée chez 10 % de ces patients, tandis que 4 adultes ont développé un cancer cutané, le plus souvent de type basocellulaire. Mais ce qui a le plus frappé les observateurs est la grande hétérogénéité de coloration du cuir chevelu, quelle que soit l’anomalie génétique de départ.

Quant aux manifestations syndromiques, elles ont été essentiellement de type digestif (HPDS1 et HPS6), aucune anomalie pulmonaire n’étant constatée dans l’expérience bordelaise.

Un test moléculaire était disponible chez 96 % d’entre eux, regroupant de nombreux phénotypes. L’hypopigmentation de la peau et des cheveux est plus marquée dans cette cohorte en cas de mutation OCA4, tandis que les patients OCA2 sont les plus enclins à avoir une chevelure jaune. Par ailleurs, une mutation significative du syndrome d’Hermansky-Pudlak a été retrouvée dans un nombre plus important de cas que prévu, les formes les plus sévères se retrouvant pour les HPS1-HPS4. L’hyperpigmentation est par ailleurs très variable.

Il n’y a pas eu d’association entre pigmentation de la peau et des cheveux et phénotype oculaire, même si les phénotypes oculaires les plus sévères se rencontrent chez les patients sans dépigmentation. L’acuité visuelle semble par ailleurs être corrélée à une hypoplasie fovéale.

Enfin, l’expérience bordelaise a montré que peu de patients développaient un cancer par rapport aux patients albinos africains mais aussi que la présence d’une kératose actinique dépendait directement de l’exposition au soleil et que le risque de cancérisation était lié au génotype.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Taïeb A : Bilan des 3 premières années d’un hôpital de jour francophone thématisé « albinismes ». 31ème congrès de l’ADF (Association des Dermatologues Francophones) (Bruxelles) : 16-18 mai 2018.

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