Euthanasie et IVG : même combat ?

Paris, le samedi 13 décembre 2014 – Avant même qu’ils ne rendent les conclusions de leur réflexion sur l’accompagnement de la fin de vie au Président de la République, les députés Alain Claeys et Jean Leonetti étaient fortement critiqués par les militants de la première heure de la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Administrant un blog uniquement dédié à ces questions, qui alterne les prises de position personnelle et les articles de presse, à plusieurs reprises Jacqueline Jencquel a ainsi manifesté son mécontentement à l’égard des deux élus. Ainsi, début décembre, en réaction à une interview accordée par Alain Claeys à Libération affirmant que leur rapport permettait pour la première fois d’évoquer « une aide à mourir », l’auteur du blog s’emportait : « Claeys est un pantin ! Il s’est soumis à la domination de Leonetti (…). On ne pouvait rien attendre de ce duo improbable et Hollande le savait bien. C’est pour qu’on ne puisse pas dire qu’il a manqué de courage qu’il a confié cette énième mission à ces deux là » critiquait-elle.

Les opposants d’hier à l’IVG seraient les mêmes que ceux d’aujourd’hui à l’euthanasie

Dans cette note, Jacqueline Jencquel évoque une dimension fréquemment abordée dans ses posts (qu’ils soient signés d’elle ou d’autres auteurs) : la nécessité d’un véritable courage politique et l’acceptation par les élus de mettre de côté « leurs convictions judéo-chrétiennes ». Des éléments qui rappellent d’autres combats et notamment celui mené pour la légalisation de l’Interruption volontaire de grossesse (IVG). La comparaison est proposée à plusieurs reprises sur le blog de Jacqueline Jencquel. Au lendemain de la diffusion sur France 2 d’un téléfilm retraçant l’examen de la loi sur l’IVG, elle lance par exemple à l’intention d’Alain Claeys et Jean Leonetti : « Ils auraient dû regarder le film (…), ça leur aurait peut être donné des idées pour braver les catholiques, l’ordre des médecins et les lobbies pro-vie pour faire passer la loi que les Français réclament, mais pour ça, il faut le courage qu’ils n’ont pas », lance-t-elle.

Accepter que certains puissent se rebeller contre « l’instinct naturel de survie »

Au-delà de son opinion selon laquelle les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté seraient aujourd’hui les mêmes que ceux qui refusaient hier l’avortement, Jacqueline Jencquel voit d’autres similitudes dans les deux combats et d’abord le fait que bien que les deux actes semblent contraires à « l’instinct de vie », ils sont nécessaires pour respecter la liberté de chacun de disposer de soi. « Nous essayons de faire accepter une loi semblable : interruption volontaire de vie (…). En ce qui concerne l’avortement, ce n’est pas un acte anodin. La femme qui sent qu’elle ne pourra pas élever son enfant, prend cette décision contre son instinct naturel de survie. Elle en souffre. Cependant il est préférable qu’un enfant non désiré ne vienne pas au monde (…). La grande vieillesse et la maladie sont supportables autant que les personnes concernées sont disposées à les supporter. Là aussi, l’instinct de survie est fort et peu de personnes ont le courage de l’affronter, cet instinct si puissant, pour décider d’abréger leurs souffrances. Dans les deux cas, IVG et IVV, il s’agit de libertés individuelles et ce ne sont pas les autres qui peuvent décider pour nous. Notre corps est à nous, notre vie et notre mort aussi » martèle-t-elle. Enfin, observe-t-elle, comme dans le cas de l’IVG, l’autorisation de l’euthanasie et du suicide assisté ne signifie pas qu’ils s’imposeront à tous, la liberté offerte aux uns n’empêchera pas celle des autres. « Ce n’est pas parce qu’il serait voté une loi autorisant l’euthanasie et le suicide assisté que ceux qui ont envie de souffrir jusqu’à la dernière seconde ne pourraient pas mourir de mort naturelle, dans le respect de leurs convictions religieuses ou philosophiques. En revanche, ceux qui n’en peuvent plus de souffrir et de rendre ceux qu’ils aiment témoins de leurs souffrances, pourraient enfin choisir le jour et l’heure de la mort » peut-on lire sur son blog.

Des différences significatives

Ces arguments et analogies risquent d’être confrontés à de nombreuses critiques. Certains feront tout d’abord valoir qu’il n’est pas sûr qu’à l’instar de ce qui existait il y a quarante ans au moment où était décidée la loi sur l’avortement, il existe une urgence sanitaire majeure. Les euthanasies sauvages sont-elles aujourd’hui si nombreuses qu’une légalisation soit absolument nécessaire pour offrir un cadre à cette pratique ? D’autres remarqueront plus certainement encore qu’avec l’IVG, il s’agit de protéger la vie des femmes en empêchant quelque "chose", qui ne serait pas encore une vie indépendante, de naître. Dans le cas de l’euthanasie ou du suicide assisté, il s’agit de différencier non pas entre ce qui est la vie et ce qui ne l’est pas encore, mais entre ce qui est une « vie digne » et ce qui ne l’est pas, un sujet sur lequel la science ne peut pas apporter de réponse objective. Enfin, d’aucuns pourraient redouter que les risques de dérive soient plus importants avec la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté qu'avec celle de l’IVG. Néanmoins, cette comparaison permet de mettre à jour que le Parlement a vu en des époques où les convictions religieuses étaient plus marquées qu’aujourd’hui des combats "courageux"  être menés et il semble que cette dimension se soit aujourd’hui considérablement émoussée au sein de la sphère politique.

Ceux qui connaissaient la mort et ceux qui ne la connaissaient pas ?

Si vous voulez découvrir le blog de Jacqueline Jencquel, décrypter d’autres analogies sans doute moins pertinentes (à travers par exemple la reproduction d’un article britannique faisant le lien entre prise en charge de la douleur lors de l’accouchement et euthanasie qui rappelle que longtemps la fin des douleurs de l’enfantement était critiquée par les dignitaires religieux !), entendre de nombreux arguments en faveur de l’euthanasie (qui parfois ne sont guère tendres et objectifs avec les opposants allant presque jusqu’à dénier la possibilité qu’ils aient eux aussi pu faire l’expérience d’agonies très douloureuses), vous pouvez vous rendre sur la page : http://jacquelinejencquel.com/.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (7)

  • Quels décideurs ?

    Le 13 décembre 2014

    Comme d'habitude, ceux qui prennent les décisions ne sont pas ceux qui se chargent des applications pratiques et se dépêchent vite de se débarrasser des problèmes qu'ils ne connaissent pas, mais cela ne les empêchera pas de critiquer à volonté.
    Dr Alain Viguier

  • Le ferait-il eux mêmes ?

    Le 13 décembre 2014

    Euthanasie = meurtre légal demandé à un médecin.
    Tous ces partisans partisans de demander à des médecins de tuer un malade ou un vieux sont des grands courageux. J'en ai fait l'expérience.
    A plusieurs reprises, des familles me demandaient de "mettre fin" aux soi-disant douleurs d'un des leurs qui étaient souvent totalement inconscients. Quand ils insistaient malgré ce que j'avais pu leur dire pour les rassurer, je mettais en place une perfusion et je préparais une ampoule avec ce qu'il fallait pour tuer leur malade (permettez que je n'en donne pas la composition pour ne pas tenter certaine personnes...) que je mettais dans la chambre. Je faisais alors venir ma famille dans la chambre et je leur indiquais qu'il suffisait de piquer dans le caoutchouc de la perfusion et d'injecter le produit. Leur malade serait mort en quelques minutes. Je quittais alors la chambre mais ils me suivaient en exigeant que je fasse l'injection. Je répondais que je n'avais pas fait des études de médecine pour tuer des malades. En général, je me faisais injurier mais jamais aucune famille n'a eu le courage de le faire.
    Alors les courageux adeptes de tuer les malades, le feraient-ils eux-même ? J'en doute !
    Dr Guy Roche

  • Les médecins comme tâcherons, merci bien

    Le 14 décembre 2014

    L'avortement, maintenant un droit, l'euthanasie bientôt de même, et les médecins comme tâcherons, merci bien. Obliger les médecins à devenir des serial-killers au début de la vie (il faut avoir le coeur bien accroché pour pratiquer un avortement après avoir vu l’embryon palpiter à l’échographie), et les obliger de même à devenir des serial-killers à la fin de la vie, c’est aussi leur nier leur pouvoir médical.
    Ce qu’un médecin (ou une équipe médicale) décide de faire ou ne pas faire pour une femme enceinte en détresse ou un patient en fin de vie, il doit le faire en respectant le serment qui le lie à ses pairs mais jamais sous la pression de l’opinion de tiers, que ce soit l’entourage du patient ou des courants d’opinions de gens qui n’ont aucune compétence médicale.
    C’est le médecin qui est formé, rodé à affronter la gestion de fin de vie et non les ténors d’associations pétries de compassion subjective. De plus les décisions que prend le médecin, notamment quand il soigne un patient en phase terminale, doivent rester protégées par le secret médical : cela ne regarde personne, strictement personne. Il n’a pas à se justifier à tout bout de champs devant n’importe qui, c’est une dérive dangereuse pour la sérénité nécessaire à son exercice. Un acte, une décision médicale ne s’explique pas aussi simplement qu’une intervention de garagiste, parce que le médecin soigne un corps qui reste nimbé de mystère et parce que la Médecine est encore une science jeune qui connait ses limites.
    Dr P.Morgenstern

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