
Seul en scène
A Avignon, toujours, l’autre succès prometteur du festival "off" est l’adaptation très remarquée du roman de Maylis de Kerangal, sorti début 2014 Réparer les vivants. Emmanuel Noblet, immédiatement séduit par le texte de la romancière, a très vite souhaité le porter à la scène, bien que le texte, a priori, ne se prête pas à pareil exercice. Il a tout imaginé : le dispositif scénique, l’incarnation des différents personnages, l’utilisation de vidéos et de sons. Le tout est très apprécié par ceux qui déjà avaient été conquis par l’œuvre de Maylis de Kerangal et d’une manière générale par une grande partie de ceux qui ont choisi de s’attarder au sein du petit théâtre de la Condition des Soies. Seul en scène, avec comme métronome le battement d’un cœur qui accompagne toute la pièce, Emmanuel Noblet interprète tour à tour chaque personnage : Simon, qui meurt emporté par une vague à l’âge de 19 ans, Pierre le médecin qui constate la mort cérébrale, les parents du jeune homme qui s’interrogent sur le choix à faire quant au devenir de ses organes ou encore Claire qui va recevoir le cœur du jeune homme. Derrière l’apparente simplicité du décor et de cette voix unique se découvre toute la complexité du don, toute la fragilité du choix, tout l’enchevêtrement d’une telle transmission. Nécessairement complexes.Seul en tête
Si la transplantation illustre bien la complexité du fonctionnement du corps humain, des nombreuses « fonctions » de ce dernier, la mémoire est sans doute le phénomène qui suscite le plus la curiosité, qui semble le plus certainement fondé sur le mystère. L’exposition Mémoire/S visible jusqu’à la fin du mois d’août à la galerie Euréka de Chambéry et au Muséum d’histoire naturelle de Blois, ainsi que sur internet, ne cache rien de la complexité de la mémoire. Il s’agit même du fil principal de cette manifestation, conçue avec le soutien de nombreux scientifiques (INSERM, CNRS, CEA, Universités) et qui à travers des jeux, des vidéos et autres programmes, apparemment simples, proposent non pas d’apprivoiser la mémoire mais d’en évoquer les multiples facettes et les implications forcément complexes, évidemment complexes.Seule en soi
Tenter d’effleurer à quel point notre mémoire fait de nous ce que nous sommes est le défi hautement hardi que s’est lancé le réalisateur allemand Jan Shomburg. Son dernier film Lena, après son très remarqué L’Amour et rien d’autre a pour personnage principal une femme qui a subitement perdu la mémoire et qui donc ne se souvient plus qui elle est, qui sont son mari et ses proches. La patiente est alors dans une position complexe : accepter d’endosser le rôle dont on lui affirme qu’il ne doit pas être un simple personnage ou "profiter" de cette occasion pour être quelqu’un d’autre, ou plutôt tout simplement soi même, ce nouveau soi, dépourvu d’une autre mémoire perdue. Complexe, mon cher Watson, évidemment complexe.Aurélie Haroche