
Paris, le samedi 15 octobre 2016 – Responsabilité. C’est sans doute le premier mot qui plane au-dessus des étudiants en médecine. Un devoir, un horizon indépassable, une épreuve à ne pas manquer. Elle est tout à la fois un moteur, un vêtement un peu trop grand que l’on rêve d’endosser et une peur. Souvent, la responsabilité ne nous est pas imposée par les circonstances extérieures. Souvent la responsabilité n’est que le reflet de notre propre exigence. Jenny est-elle responsable ? Responsable un soir où le cabinet était fermé depuis plus d’une heure de ne pas ouvrir la porte à cette dernière patiente ? Personne ne le lui reproche pourtant. Mais La fille inconnue, titre du dernier film des frères Dardenne, est morte, à quelques mètres de là. Et Jenny ne peut s’empêcher d’être suspendue à cette mort, à son sentiment de culpabilité. Alors que beaucoup la pressent de reprendre le chemin de sa vie, cette jeune médecin généraliste interprétée par Adèle Haennel va mener son enquête pour retrouver l’identité de la jeune prostituée assassinée, ne supportant pas l’idée qu’on l’enterre sans un prénom, un nom, une date de naissance. Cette quête lui tend un miroir, la mort de l’inconnue la force à regarder les zones d’ombre de sa propre vie, de sa propre essence.
Savoir ou…
La quête de Jo est semblable. Quand cet interne dynamique et enthousiaste découvre la mort d’un de ses jeunes patients, un petit garçon de sept ans, le tourbillon des sentiments qui l’emporte mélange l’impuissance, la colère et le sentiment de culpabilité. Comme Jenny, Jo ne peut envisager de reprendre le fil de sa vie, de sauter au-dessus de cette disparition. Il doit partir à la recherche de la mère de l’enfant, Maria et comprendre les raisons de son absence, la raison de ses mystères. L’écrivain et médecin Baptiste Beaulieu, dont c’est le troisième roman nous conduit avec La ballade de l’enfant gris dans une quête initiatique et poétique où le médecin se recherche autant lui-même et les raisons de son engagement dans cette profession, que la mère du petit garçon. Comme dans La fille inconnue il y a le désir d’une impossible réparation face à la mort, le souhait fragile de renouer les liens détruits.
… périr
Le jeune François, qui après son internat en psychiatrie entame des travaux de recherche en cancérologie, ne peut également supporter que la mort de son professeur Peter Adams ne livre pas l’ensemble de ses secrets. La volonté de comprendre, de dénouer toutes les ombres empêche le héros du roman de l’étudiant en médecine Louis Jacob, Rosalind, de poursuivre sereinement ses expériences après le décès du patron du laboratoire de Stanford, comme tentent de le faire ses collègues. Dans ce roman policier où les lecteurs retrouveront amusés l’ambiance très particulière des laboratoires de recherche, l’intrigue a pour fondement la concurrence entre deux équipes de recherche et met en scène les extrémités où peuvent conduire le mantra Publish or Perish. Il rappelle également comment chaque être porte avec lui le poids d’ombres et de douleurs. Y compris ceux qui sont assassinés dans une salle de culture cellulaire.
Cinéma :
La fille inconnue, Luc et Jean-Pierre Dardenne, 12
octobre 2016, 1h46
Romans :
La balle de l’enfant gris, de Baptiste Beaulieu, éditions
Mazarine, 416 pages, 18 euros
Rosalind, de Louis Jacob, e-book téléchargeable sur Amazon et I-Une, 1,99 euros https://www.amazon.fr/Rosalind-Louis-Jacob-ebook/dp/B01LWTL6CY.
Aurélie Haroche