Faire cuire le lait: une bonne idée ?

L’allergie alimentaire au lait et à l’œuf est très fréquente et invalidante chez l’enfant. Elle n’évolue pas toujours spontanément favorablement. Dans les cas les plus sévères, il peut être intéressant de réintroduire d’abord les aliments cuits mélangés à la farine. Mais pourquoi les aliments cuits sont-ils mieux tolérés chez les allergiques ?

La caséine est l'allergène majeur du lait et représente 80 % des protéines. Elle est constituée d’épitopes séquentiels, thermorésistants. L'alpha-lactalbumine et la bêta-lactoglobuline sont les principales protéines du lactosérum. Elles contiennent des épitopes conformationnels qui sont thermolabiles. La chaleur altère ces épitopes et les rend moins allergéniques alors qu'elle ne modifie pas les épitopes séquentiels. Si le chauffage est une des solutions pour rendre le lait et l’œuf moins allergisant, il faut savoir aussi que l'interaction avec d'autres composants alimentaires (autres protéines, graisses ou sucres comme la farine) est également importante. C’est « l'effet matrice » qui explique que le simple fait de faire  bouillir le lait est moins efficace que de mélanger le lait à la farine et de le faire cuire.

Une étude princeps pour le lait, datant de 2008, a montré dans ce contexte que les sujets initialement tolérants au lait cuit ont eu 28 fois plus de chance de devenir tolérant au lait cru que les sujets réagissant au lait cuit. Selon les auteurs, la tolérance au lait cuit est un marqueur de l'APLV (allergie aux protéines du lait de vache) transitoire. La réactivité au lait cuit est au contraire le témoin d'un phénotype plus persistant. L'introduction de lait cuit dans l'alimentation des enfants atteints d'APLV accélère le développement de la tolérance au lait cru par rapport à l'éviction stricte.

Pratiquement, les recommandations françaises sont, lorsque les parents ne peuvent pas rapporter une tolérance pour les aliments cuits, de faire d'abord un TPO en milieu hospitalier avec l'aliment cuit sous forme de biscuits ou de gâteaux (par exemple avec les véritables petits beurre de chez Lu [1,31 mL de lait cuit mélangé à de la farine] jusqu'à 4 petits beurre [soit 5,25 mL de lait]). Il est demandé ensuite aux parents de donner chaque jour à leur enfant des biscuits et gâteaux pendant une période de 6 mois environ puis un nouveau TPO est effectué en essayant d'augmenter les doses de lait. En fonction de la dose réactogène, l'augmentation est poursuiie de façon progressive à domicile.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Références
Juchet A: Aliments cuits, quel intérêt pour l’immunothérapie ? 12ème Congrès Francophone d’Allergologie (Paris): 24-28 avril 2017.

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