
Paris, le samedi 25 septembre 2016 – Nous le savons tous : les plus grandes solitudes peuvent se ressentir au cœur de la foule, au cœur du groupe. Et rien de tel que la famille pour parfois vous faire toucher du doigt l’absolu de l’isolement. Pourtant parfaitement conscient de cette leçon, Louis (interprété par Gaspard Ulliel) veut faire une dernière expérience, une dernière tentative en retrouvant après douze ans d’absence sa famille pour leur annoncer sa maladie et sa mort prochaine. Le temps n’a eu aucune prise sur les êtres qu’il a fuis. Ou seulement pour exacerber leurs rancœurs entre eux et contre lui. Comment la maladie pourrait-elle briser le mécanisme de cette violence familiale ? On ne le saura pas, le poison demeurera un secret. Mais on parvient pourtant à rester en haleine face à ces personnages (inspirés de la pièce Juste la fin du monde de l’écrivain Jean-Luc Lagarce) dont la mise en scène permet au jeune réalisateur canadien Xavier Dolan de confirmer son talent et ses promesses.
Tempête
Personne n’a fui dans La reine de beauté de Leenane, pièce du dramaturge irlandais Martin McDonagh mise en scène actuellement à Paris au théâtre Lucernaire par Sophie Parel. Partir est pourtant le seul horizon de Maureen. Echapper à la poursuite incessante de sa mère, clouée dans un fauteuil roulant et qui feint la dépendance pour retenir sa fille. L’œuvre de Martin McDonagh est la confrontation entre ces deux femmes, un feu d’artifice de haine et d’amour où les dialogues, fuselés, permettent de mesurer la complexité des rapports familiaux, encore aggravée par l’arrivée de deux frères qui apparaissent à Maureen comme la promesse d’un salut. C’est dans l’absurde que McDonagh interroge le poids des sacrifices que l’on s’impose, même quand les liens familiaux paraissent dévastés, même quand la maladie n’est que feinte.
Souffle
Il n’y pas de mensonges dans Un paquebot dans les nuages, dernier roman de Valentine Goby. Mais il y a un sacrifice. Celui de la petite Mathilde. L’enfant se voit séparée de ses parents, envoyés l’un après l’autre dans un sanatorium pour combattre la tuberculose. La solitude étreint alors l’enfant s’accompagnant de la misère et de l’exclusion sociale. Mais jamais la petite fille ne renie pour autant ses parents. Elle les reconstruit dans toutes leurs absences. Elle leur offre la force qui leur manque pour reconstituer le cercle. « Mon livre traite de la question du sacrifice : jusqu’où peut-on aller dans le don de soi ? » interroge la romancière, citée par la Dépêche du Midi. Sans réponse définitive, le livre réjouit par son style et sa finesse.
Cinéma : Juste la fin du monde, de Xavier Dolan, 21 septembre, 1h35
Théâtre : La reine de beauté de Leenane, de Martin McDonagh, mise en scène Sophie Parel. Théâtre du Lucernaire (53 Rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris), jusqu’au 16 octobre
Roman : Un paquebot dans les nuages, de Valentine Goby, Actes Sud, 270 pages, 19,80 euros
Aurélie Haroche