
L’affaire a fait grand bruit dans le petit village de Taponas,
927 âmes seulement, à 50 km au nord de Lyon. Samantha Avril, la
nouvelle institutrice remplaçante de l’école primaire de la
commune, engagée seulement six jours auparavant, était en réalité
un imposteur. Elle a été mise à pied le 23 septembre dernier, après
qu’une de ses collègues a découvert sa réelle identité dans la
presse.
Car la fausse institutrice n’en était pas à son coup d’essai.
Le 22 septembre, les journaux locaux relataient en effet que la
faussaire avait déjà essayé d’intégrer l’institut de professorat de
Macon, en usurpant l’identité d’une étudiante portant le même nom
que celui de son mari. Mais c’est un autre cas de fraude qui a fait
connaitre cette faussaire en série.
Elle auscultait par-dessus les vêtements
Il y a deux ans, Samantha Avril avait en effet réussi à
exercer pendant quatre mois en tant que médecin généraliste à la
maison de santé de Montceau-Les-Mines en Saône-et-Loire, bien
qu’elle n’ait jamais fait d’étude de médecine. A l’aide d’un faux
diplôme de médecine acheté sur Internet pour 200 euros, elle avait
réussi à s’inscrire au tableau du conseil de l’Ordre du département
en mai 2020 et à obtenir une vraie carte professionnelle, profitant
de la désorganisation liée à la crise sanitaire.
A la maison de santé où elle avait été engagée, elle comptait
une patientèle de 1 200 personnes et était rémunérée 5 000 euros
par mois.
Mais la médecine est un art difficile à improviser. Son
comportement erratique intrigue rapidement (?) confrères et
patients : elle prend la tension et ausculte par-dessus les
vêtements et prend des heures pour interpréter le moindre bilan de
santé. Les mauvais diagnostics se multiplient : à une femme qui
consulte pour un hématome au genou, elle diagnostique une embolie
pulmonaire et une phlébite ; pour de violentes douleurs
thoraciques, elle conclut à une crise d’angoisse (il s’avèrera
qu’il s’agissait d’un infarctus du myocarde !).
La fausse médecin est-elle une vraie malade ?
Malgré ces signaux d’alarme, il faudra quatre mois pour qu’un
de ses confrères ait la présence d’esprit de vérifier si le Dr
Avril a bien soutenu une thèse de médecine et de découvrir le pot
aux roses. En septembre 2020, la faussaire est donc arrêtée et mis
en examen.
L’enquête révélera que la fausse médecin avait également
essayé (sans succès) de se faire engager comme infirmière en 2017.
Après deux séjours en détention provisoire, elle est libérée en
janvier dernier en attente de son procès. Mais sa récente tentative
de se faire passer pour une institutrice devrait sans doute lui
valoir de retourner en cellule.
L’affaire de la fausse médecin a suscité l’émoi dans la
région, beaucoup se demandant comment l’Ordre des médecins avait pu
faire preuve d’autant de légèreté. Plusieurs anciens « patients »
de la fausse Dr Avril ont d’ailleurs porté plainte contre le
conseil de l’Ordre départemental pour négligence.
Mais au-delà de cette polémique, c’est la personnalité même de
la délinquante qui intrigue. Son avocat l’affirme : elle n’est pas
guidée par l’appât du gain mais par une envie pathologique d’aider
les autres. « Incontestablement elle est malade, elle est
soignée depuis 2012, diagnostiquée schizophrène, elle entend des
voix qui lui disent que dans la vie il faut aider les autres
».
Samantha Avril aurait, dans sa jeunesse, suivi des études
d’infirmière, sans succès, avant d’être internée à deux reprises.
Mais peut être n’est-ce qu’un moyen d’éviter de faire face à des
sanctions pénales qui pourraient s’avérer lourdes. En effet, deux
des patients qu’elle a pris en charge lorsqu’elle exerçait
illégalement la médecine sont décédés. Si le lien de causalité avec
ses erreurs médicales est avéré, Samantha Avril pourrait être
poursuivie pour homicide involontaire.
Nicolas Barbet