
Les recommandations préconisent la surveillance régulière de l’œsophage de Barrett, le bénéfice d’une telle surveillance sur la morbidité et la mortalité reste cependant encore controversé. Bien que de nombreux travaux plaident en sa faveur, il n’a pas encore été prouvé avec certitude par des essais randomisés. Trois raisons concourent à cette incertitude : l’incidence des transformations néoplasiques est relativement faible, la surveillance devrait inclure un grand nombre de patients et enfin il n’existe pas encore de test permettant de « stadifier » précisément le risque de transformation maligne. D’un autre côté, le faible taux de survie des patients atteints d’adénocarcinome serait plutôt un argument en faveur de la surveillance systématique. L’une des questions fondamentales dans ce débat est évidemment de déterminer si la surveillance réduit ou non le risque de décès par adénocarcinome oesophagien.
Une étude récente vient apporter des arguments aux tenants de la surveillance systématique. Il s’agit d’une étude prospective de cohorte, incluant 720 patients présentant un œsophage de Barrett d’au moins 2 cm confirmé par la présence de métaplasie intestinale. Les patients ont été surveillés pendant 6,6 ans en moyenne, selon les recommandations de l’American College of Gastroenterology.
Une progression néoplasique est dépistée chez 50 (7 %) d’entre eux, après environ 3,2 ans (2,0 -5,3). Pour 39 patients (78 %), l’endoscopie de contrôle découvre une dysplasie de haut grade ou un carcinome in situ ; pour 7 (14 %), il s’agit d’une tumeur T1 ; pour 2 (4 %), d’une tumeur T2, et pour 2 autres, d’une tumeur T3. L’incidence totale des lésions de haut grade et des adénocarcinomes s’élève ainsi à 1,3 pour 100 patients-années.
Neuf (18 %) des patients chez qui l’endoscopie de contrôle a dépisté une progression néoplasique bénéficieront d’une surveillance intensive par endoscopie, 30 (60 %) d’un traitement endoscopique, 4 (8 %) d’une résection chirurgicale et 2 (4 %) d’une résection chirurgicale avec chimiothérapie néoadjuvante. Au moment de la communication des résultats de l’étude, 4 patients venaient d’être diagnostiqués et n’avaient pas encore reçu de traitement et 1 patient était décédé pour un motif autre que son œsophage de Barrett.
Pour les auteurs, ce constat est en faveur d’une surveillance systématique qui permet de détecter des lésions de haut grade ou des adénocarcinomes à un stade précoce et encore accessible au traitement endoscopique. Ils s’appuient sur les taux de survie constatés dans cette étude : la survie globale à 5 ans de 78 % (intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 0,61 à 0,94) et le taux de survie spécifique à 5 ans de 91 % (IC95 de 0,81 à 1,00), ce qui selon les auteurs est le maximum de ce qui est attendu classiquement pour ce type de patients (stade 0, TisN0M0, survie à 5 ans > 90 %).
Dr Roseline Péluchon