
La fibrose pulmonaire progressive (dite FPP) survient dans le
cadre des pathologies interstitielles du poumon qui peuvent relever
de causes diverses et la FPP constitue ainsi une entité des plus
hétérogènes. Le bilan étiologique doit être le plus poussé possible
afin de parvenir à un diagnostic précis susceptible de déboucher
sur un traitement efficace… dans la mesure du possible. Un
autre objectif de ce bilan est de préciser le pronostic de
l’affection en cause. Cependant, en dépit d’investigations
multiples, il n’est pas rare qu’aucune étiologie ne soit retrouvée
au point d’aboutir au diagnostic d’atteinte interstitielle
pulmonaire idiopathique et in fine de FPP inclassable (FPPi). La
fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) se distingue des FPPi par sa
traduction anatomo-clinique et par les traitements dont elle
bénéficie : c’est ainsi que la pirfenidone et le nintedanib ont
fait preuve de leur efficacité dans son traitement en ralentissant
sa progression.
Un essai randomisé multicentrique international
Que peut-on espérer de la pirfenidone dans le traitement des
FPPi et autres fibroses pulmonaires étiquetées et non traitées
(pneumopathie d’hypersensibilité ou encore atteintes pulmonaires
secondaires à une connectivite) ? C’est à cette question que répond
une étude multicentrique randomisée de phase 2, menée à double insu
contre placebo, à laquelle ont participé 70 centres spécialisés
implantés dans les pays suivants : Australie, Belgique, Canada,
République Tchèque, Danemark, Allemagne, Grèce, Irlande, Israël,
Italie, Pologne, Portugal, Espagne et Royaume-Uni. Elle a inclus
des patients adultes (≥ 18–85 ans) tous atteints d’une FPPi,
répondant par ailleurs aux critères suivants : (1) capacité vitale
forcée (CVF) > ou = 45 % de la valeur prédite ; (2) DLco
> ou = 30 % de la valeur prédite ; (3) plus de 10 % de
fibrose sur une tomodensitométrie pulmonaire datant de moins de 12
mois. Le tirage au sort a réparti les patients en 2 groupes égaux
(1:1) : (1) traité : 2 403 mg/jour de pirfenidone ; (2)
placebo.
Le principal critère de jugement a été spirométrique, en
l’occurrence la variation moyenne de la CVF mesurée tous les jours
à domicile par spirométrie pendant 24 semaines. Les critères
secondaires ont été les suivants : (1) variations de la CVF, la
mesure spirométrique étant faite sur site ; (2) variations de la
DLCO ou du test de marche de six minutes ; (3) Résultats aux
questionnaires ou aux échelles visuelles analogiques prenant en
compte la dyspnée, la toux ou encore la qualité de vie. L’analyse
de l’efficacité a été réalisée dans l’intention de traiter. Les
résultats de cette étude présentés à l’ERS (1) sont par ailleurs
publiés le même jour dans le Lancet Respiratory.
Des résultats encourageants
Au total, 127 patients ont été affectés au groupe pirfenidone
(n = 127) et 126 au groupe placebo. L’analyse des données qui a
porté sur ces 253 participants a été affectée par la variabilité
intra-individuelle des valeurs spirométriques obtenues au domicile,
alors qu’il s’agissait en l’occurrence du principal critère
d’efficacité. Du coup, le modèle statistique préspécifié pour la
comparaison des groupes n’a pu être mis en application. Dans le
groupe pirfenidone, la variation médiane de la CVF a été estimée en
l’espace de 24 semaines à –87,7 ml (Q1–Q3 –338,1 à 148,6)
versus –157,1 ml (–370,9 à 70,1) dans le groupe placebo.
Pour ce qui des valeurs de la CVF mesurées sur site, la comparaison
intergroupe quant aux variations moyennes est à l’avantage du
traitement, la différence en valeur absolue étant en effet de 95,3
ml [intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 35,9 à 154,6], p =
0,002).
Par ailleurs, dans le groupe pirfenidone, plusieurs critères
secondaires ont été atteints ou effleurés, le seuil de
signification statistique n’étant pas toujours atteint
:
(2) variation de la DLCO : -0,7 +/- 7,1 % dans le groupe traité versus -2,5 +/- 8 % dans le groupe placebo (NS) ;
(3) variation de la distance parcourue en 6 minutes :
respectivement –2,0 +/- 68,1 m vs -26,7 +/- 79 m
(NS).
Aucun effet significatif sur les signes fonctionnels n’a été
mis en évidence et il a en été de même pour la qualité de vie, mais
le recul n’a été que de 6 mois.
Pour ce qui de l’acceptabilité, la fréquence des évènements
indésirables sérieux ou autres s’est avérée globalement similaire
dans les 2 groupes.
Dr Philippe Tellier