
Paris, le samedi 31 janvier 2015 - Sur les réseaux sociaux
s’alimentent les contes et légendes de nos existences. Il s’agit de
livrer, le plus régulièrement possible, à ses « amis » une version
améliorée de sa petite vie. Cette dernière est donc dorénavant
jalonnée par la mise en ligne de photographies radieuses de séjours
impérissables, d’embrassades langoureuses sur la plage, de
progénitures exemplaires, de réceptions mémorables, de chiens
agitant la queue …Tout en jetant un voile pudique sur le plus
médiocre.
Beaucoup des internautes adeptes de ces réseaux vivent dans
l’angoisse de louper la soirée de l’année, l’information du siècle
ou le message le plus important de leur vie. Certains tombent même
dans l’angoisse et la peur quand ils se rendent compte que même
Internet n’assure pas l’ubiquité.
Bien que le DSM ne la répertorie pas encore, cette angoisse a désormais un nom : la FOMO pour « Fear of Missing Out » (littéralement la peur de manquer).
Peur de l'abandon et du rejet
Pour le psychologue Michael Stora, interrogé par l’Obs, derrière cette peur de ne pas être retwitté ou de ne pas avoir de "like" sur Facebook se cache une classique angoisse de l’abandon et du rejet.
La particularité des réseaux sociaux étant que « l’autre
n’existe pas dans une entité et une individualité mais dans une
masse, dans laquelle le quantitatif l’emporte. Ce qui compte,
ce n’est pas d’avoir un "like" d’un ami, mais plutôt d’en avoir 100
de n’importe qui ».
Pour lui, ce qu’il faut craindre, c’est la rupture des liens
sociaux « dans la vraie vie », et la dimension addictive qui peut
cacher un terrain dépressif.
Qui de nous deux est le plus heureux ?
Pour Arthur C. Brooks, journaliste au New-York Times, la source de ce fameux FOMO est l’attitude moderne qui veut que « nous passons désormais la moitié de notre temps à prétendre être plus heureux que nous le sommes, et l’autre moitié à regarder comme les autres semblent l’être bien plus que nous ». Interrogé par le Figaro, la sociologue Catherine Lejealle, professeur associé à l’ESG Management School, évoque une dissonance cognitive à ce sujet : alors que nous savons que sur ces réseaux nous enjolivons le réel, nous prenons pour vraies les « post » des autres.
En un parallèle intéressant, Valérie de Saint Pierre, journaliste au Figaro, qualifie ce « trouble » de bovarysme 2.0 soit « ce sentiment de frustration éprouvé par Madame Tout-le-Monde, à chaque fois qu’elle constate combien son train-train quotidien est pauvre. Surtout comparé à la riche vie des romans et des happy few d’aujourd’hui ! ».
Alors pour celles et ceux, qui, scrutant les réseaux sociaux trouvent que comparé à celui de leurs followers, leur conjoint a une conversation « plate comme un trottoir de rue* » rappelons qu’Emma Bovary « retrouvait dans l'adultère toutes les platitudes du mariage* ».
Frédéric Haroche