La DMO est le facteur de risque d’ostéoporose le plus utilisé en pratique quotidienne (toute diminution d’une déviation standard de la DMO multiplie le risque de fracture par 1,5 à tous les sites). D’autres facteurs partiellement ou totalement indépendants de la DMO ont également un pouvoir prédictif très important : les antécédents personnels de fracture (surtout après 50 ans), l’âge, les antécédents familiaux d’ostéoporose, une ménopause précoce, une corticothérapie prolongée, un IMC bas, la consommation de tabac ou d’alcool. Les facteurs de risque de chute (force du quadriceps, acuité visuelle, marche en tandem…) et les marqueurs du remodelage osseux (CTX en particulier) peuvent aussi participer à la prédiction des fractures.
La DMO n’explique pas tout
De nombreuses études épidémiologiques ont montré que la DMO seule est insuffisante pour dépister les femmes à risque de fracture. En effet, la moitié des femmes ménopausées, sans ostéopénie, ni ostéoporose densitométriques, ont ou vont « fracturer ». D’où l’idée de combiner les différents facteurs de risque cliniques et paracliniques d’ostéoporose dans le but d’affiner la prédiction du risque fracturaire et de tendre vers l’établissement d’un « risque absolu ». Ainsi est né FRAX, élaboré par John Kanis sous l’égide de l’OMS, le 21 février 2008 sur internet… après une longue gestation.
Des points forts …
FRAX est un score de risque composé de 11 items cliniques, et éventuellement de la DMO au col fémoral, qui permet de prédire sur 10 ans le risque individuel de fractures ostéoporotiques dites majeures (poignet, fracture vertébrale clinique, humérus proximal) et de fracture de hanche. Les items cliniques sont les suivants : âge, sexe, poids, taille, antécédent personnel de fracture de basse énergie, antécédent parental de fracture de hanche, tabagisme actuel, prise de glucocorticoïdes dans la passé ou actuellement (pendant plus de 3 mois à une dose > à 5 mg/jour), polyarthrite rhumatoïde, ostéoporose secondaire (7 affections à risque sont répertoriées dont le diabète de type 1, une ménopause précoce…) et alcool (plus de 3 verres par jour). La densité minérale osseuse au col fémoral peut être saisie (T-score ou Z-score) quand elle est connue, mais ce paramètre n’est pas indispensable pour le calcul du risque.
FRAX est un index quantitatif élaboré à partir de cohortes multinationales de grande taille (80 000 patients) et validé sur d’autres cohortes. Un simple clic permet d’accéder gratuitement à ce nouvel outil, simple et facilement utilisable, sans aucune restriction d’accès. FRAX est applicable à toute la population française féminine et masculine.
Et des faiblesses…
FRAX présente un certain nombre d’imprécisions. En particulier, il met les différents types de fractures (fémur, métatarsien…) au même niveau et ne tient pas compte du nombre d’antécédents de fractures (qui peut augmenter le risque ultérieur) et de leur éloignement dans le passé (ce qui peut diminuer le risque). L’ancienneté et la durée de la corticothérapie ou du tabagisme ne sont pas prises en compte. Il en est de même des chutes, des marqueurs du remodelage osseux et des facteurs de qualité osseuse. Enfin, le col du fémur n’est peut-être pas le site le plus fiable pour un résultat d’ostéodensitométrie, car peu reproductible (positionnement du pied).
Enfin, petit conseil pratique pour la prise en compte effective de la DMO : ne pas rentrer les valeurs de T-score avec une virgule mais avec un point et éviter les espaces !
De l’utilité de FRAX dans la pratique
L’évaluation du risque fracturaire par FRAX est inutile quand le traitement anti-ostéoporotique ne se discute pas : chez les patients fracturés ou sous corticothérapie prolongée, avec une DMO abaissée (voir recommandations HAS), ou en cas de T-score inférieur à -3 DS. De plus, P. Fardellone ne recommande pas l’utilisation de FRAX chez les femmes de 50 à 60 ans (car l’incidence calculée avec le FRAX est très inférieure à l’incidence observée) et en cas de discordance entre les valeurs de DMO au fémur et au rachis lombaire.
En revanche, l’outil peut s’avérer utile en cas de doute sur la
nécessité ou non de traiter devant, par exemple, une fracture du
poignet ostéopénique chez une femme de 70 ans pour laquelle il est
difficile de faire la part entre ce qui revient à l’ostéoporose ou
au risque de chute. Le FRAX pourrait également aider à repérer les
patients qui nécessitent une ostéodensitométrie dans les cas où cet
examen n’est pas facilement accessible.
En fait, ce nouveau score de risque présente surtout un indéniable
intérêt en tant qu’outil éducatif pour les patients et pour les
médecins.
A quels seuils doit-on prescrire ?
La prédiction du risque de fracture par FRAX doit permettre de définir un seuil d’intervention thérapeutique. A quel seuil traiter ?
- Si l’on se place du point de vue des essais thérapeutiques, on observe que les patients traités dans les études pivots pour les obtentions d’AMM ont un risque de fractures majeures à 10 ans, de 10 à 20 %, et pour les fractures du fémur, de 5 à 7,5 %. Ce qui équivaut en moyenne à des seuils thérapeutiques d’environ 15 % pour les fractures majeures et de 6 % pour les fractures du fémur.
- Le seuil des économistes va dépendre des ressources financières, et du prix que chaque pays est prêt à payer pour prévenir une fracture ostéoporotique, mais aussi de la pyramide des âges, des priorités en matière de santé… J. Kanis (Royaume-Uni) a calculé qu’un traitement par un générique de l’alendronate était coût-efficace pour un risque de fracture clinique à 7 % selon la méthode du NICE coût par QALY.
Une réflexion sur les seuils d’intervention thérapeutique est ainsi nécessaire. Par ailleurs, comme l’a souligné P. Fardellone, outre l’évaluation du risque fracturaire préalable indispensable à toute décision thérapeutique, d’autres données cliniques telles que la motivation du patient, son passé médical ou d’éventuelles contre-indications au traitement doivent également être prises en compte.
Dr Laurence Houdouin