Goutte tophacée : une cause inhabituelle de fracture spontanée

Les complications les plus fréquentes de la goutte chronique sont représentées par les crises douloureuses récidivantes et les lithiases urinaires, auxquelles s’ajoutent de rares compressions radiculo-médullaires et des arthropathies destructrices sévères. Les fractures sur tophus goutteux, liées à la fragilisation osseuse, sont en revanche rarissimes comme en témoigne une revue approfondie de la littérature réalisée par une équipe française qui n’en a retrouvé que 9 cas.

La première observation date de 1977 : il s’agissait d’une femme de 70 ans qui avait présenté des fractures iliaque et pubienne secondaires à des tophus dix ans après le début de sa maladie goutteuse. Les autres fractures concernaient la rotule (6 patients), le 5ème métatarsien (1 patient) ou le col fémoral (1 patient). Une seule fracture était révélatrice de la goutte mais toutes étaient survenues à la suite d’un traumatisme mineur.

Les auteurs rapportent deux nouvelles observations. Chez un homme de 65 ans dont l’arthrite goutteuse tophacée était connue de longue date, 3 fractures spontanées se sont produites au niveau de la malléole interne droite, de la rotule gauche et d’une phalange proximale. Le prélèvement d’un tophus par aspiration à l’aiguille a permis de mettre en évidence au microscope des cristaux d’acide urique. Les fractures asymptomatiques du doigt et de la rotule n’ont pas été traitées et celle de la cheville droite a été immobilisée par une attelle, tandis que l’allopurinol était poursuivi. Il s’agit de la première observation de fractures multiples.

Le dernier patient était un homme de 78 ans qui a présenté une fracture du gros orteil gauche. L’allopurinol et le benzbromarone ont été arrêtés du fait d’une réaction allergique et le traitement par colchicine et probénécid a été efficace. Dans les 2 cas, l’uricémie est passée en dessous de 60 mg/l avec diminution de taille des tophus. Les radiographies n’ont montré aucun déplacement au niveau des fractures.

Les travaux sur la pathogénie des tophus font défaut. Ceux-ci sont caractérisés par la présence de granulomes à corps étrangers constitués de macrophages mono ou multinucléés entourant des dépôts de cristaux d’urate monosodique. Les macrophages expriment le TNF alpha et les métalloprotéinases MMP-2 et MMP-9. Les cytokines inflammatoires induites par les cristaux d’urate sont susceptibles de stimuler les ostéoclastes et de déclencher une érosion osseuse. De plus les expérimentations in vitro montrent que les cristaux d’urate diminuent l’activité des ostéoblastes. Un traumatisme mineur pourrait entraîner la libération par les tophus de cristaux d’urate, responsables d’une activation macrophagique avec production de cytokines inflammatoires et de métalloprotéinases. Cette réaction en chaîne aboutirait à une hyperrésorption osseuse à l’origine des fractures. Une fragilisation directe de la corticale est aussi possible.

Le tophus goutteux est une cause rare de fracture pathologique qu’il importe de connaître. Il s’agit néanmoins d’une fracture sur lésion lytique et la mise en évidence de cristaux d’urate est indispensable pour éviter toute erreur de diagnostic.

Dr Odile Biechler

Référence
Nguyen C et coll. : Tophaceous gout : an unusual cause of multiple spontaneous fractures. EULAR 2008 (Paris) : 11-14 juin 2008.

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