
Paris, le samedi 5 mai 2013 - Dans un rapport récent, l’Académie de médecine soulignait une nouvelle fois l’inutilité et le caractère redondant de beaucoup d’explorations complémentaires, des qualificatifs qui s’appliqueraient à 28 % des examens pratiqués.
Sur son blog « Santé 2020 » hébergé par le monde, le Pr Guy Vallancien, analyse les multiples raisons possibles de ces débordements.
Tout commence sur les bancs de la fac
D’abord, rappelle l’urologue, les futurs médecins commencent par être sélectionnés sur les sciences fondamentales, lors de la première année, puis poursuivent jusqu’à l’épreuve nationale classante au cours de laquelle l’énumération de bilans « fait bien sur la copie » et accessoirement peut rapporter quelques dixièmes de points. Autant dire que dans ce parcours, la pertinence des examens complémentaires n’est pas le sujet principal et qu’on peut aller jusqu’à en négliger le caractère justement…complémentaire.
Cependant, si interrogatoire et examen clinique doivent toujours avoir la première place, il ne faut pas se cacher que leur « rendement » diagnostique est désormais souvent dépassé par celui des explorations. Ainsi ces dernières permettent-elles de dépister des pathologies à un stade préclinique. Et Guy Vallancien de mentionner le cas des cancers du rein décelés désormais précocement dans 90 % des cas grâce à une simple échographie abdominale de check-up, alors qu’il y a 40 ans, ils étaient découverts à la palpation de la région lombaire à un stade beaucoup trop tardif.
Un gage d’objectivité mais parfois une solution de facilité
Et puis, constate Guy Vallancien, les données des examens complémentaires sont « visualisables » et donc plus fiables que celles recueillies par un examen clinique dont la qualité est très dépendante de la finesse tactile et auditive, de l’expérience et des connaissances du médecin. Elles sont aussi transmissibles, sans risque d’écart avec la réalité, aux autres professionnels de santé qui auront en charge le malade.
Enfin, la prescription d’examens complémentaires apparaît souvent comme un prolongement « obligé » de la consultation. Elle rassure (de façon illogique) le patient et il est plus facile et moins chronophage pour le médecin de proposer une longue liste d’examens sur l’ordonnance que d’expliquer qu’il ne faut rien faire…Et le souci de respecter le principe de précaution comme d’éviter les poursuites judiciaires pour n’avoir pas « mis à la disposition du malade » tous les moyens existants, fait le reste.
Tout cela abouti à ce que, selon Guy Vallancien, la moitié des actes biologiques et d’imagerie prescrits en consultation de deuxième avis sont inutiles…Soit « 4 milliards d’euros de bilan en tout genre dont nous pourrions nous passer sans constater un mort de plus ».
Pour une analyse critique des analyses
Au titre des quelques pistes pour résoudre ou plutôt alléger ce problème, le Pr Vallencien suggère d’enseigner au cours des études de médecine l’analyse critique des prescriptions, puis, une fois sur le terrain, de ne prescrire qu’en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen clinique en prenant le temps d’expliquer sa position au malade. « Ce qui réclame des consultations lentes » dont le tarif pourrait être réévalué selon l’exemple de celui des médecins suisses qui au-delà d’un temps donné sont payés pour chaque tranche de cinq minutes en plus…Une proposition qui retiendra certainement l’attention des nos autorités de santé !
Dr Marie-Line Barbet