Aux yeux de très nombreux professionnels la crise du
Covid-19 se comporte comme un révélateur. Révélateur des
dysfonctionnements de notre système de santé qu'il soit hospitalier
ou libéral et du gap qui se creuse entre l'hôpital et la ville. Il
suffit pour s'en convaincre d'échanger avec un confrère ou de
parcourir les réactions qui fleurissent sur les sites médicaux et
tout particulièrement sur le JIM.
L'"affaire" des masques chirurgicaux ou FFP2 à propos
desquels la communication des autorités sanitaires a été plus que
chaotique et dont l'approvisionnement des professionnels libéraux
est encore homéopathique a été la goutte d'eau qui a fait déborder
le vase.
Sur cette crise de confiance majeure des libéraux due selon
lui à une hémiasomatognosie, le Dr Gilles Bouquerel nous livre son
point de vue désabusé. Sans oublier de rappeler que malgré tout,
malgré les risques aggravés par la pénurie (relative) des moyens de
protection en ville, les libéraux (comme les hospitaliers) feront
bien sûr leur devoir.
Par le Dr Gilles Bouquerel
L'épidémie à venir, déjà à nos portes, souligne l'incohérence
de la réaction du système de santé à une menace dépistée voici en
effet six semaines au moins.
Comme à son habitude, les autorités et les sommités, toutes parties
du pôle étatique-hospitalier, n'ont pensé qu'à ce qu'il considèrent
comme le "vrai" service public de santé, l’hôpital et ses
dépendances, oubliant, ou plutôt n'ayant aucune conscience des
nécessités qui viennent avec leur bottes de sept lieues. Que
devra-t-on faire avec 1000, 10000, 100000, 1000000 personnes
atteintes de covidite 19, dont on nous annonce certes 80 % de
formes plutôt bénignes. Ce n'est pas du tout le système
hospitalo-étatique qui pourra s'en occuper, trop pris par la
gestion des 20 % de formes sévères, et totalement submergé.
Alors, qui va s'y coller pour aller voir pépé et mémé (j'ai 70
années au compteur) quand ils se sentiront pas bien ou même un peu
plus mal ? Le système ambulatoire de premier recours a été ravagé
par l'attentive politique de santé sur 4 décennies, est-ce sur lui
qu'on compte pour aller au front de première intention, pour aller
prescrire (MDR) les masques chirurgicaux sensés contenir la
contagiosité, et du reste, qui ira les chercher à la pharmacie, les
envirés eux même sans doute ?
Les généralistes qui ne sont pas assez bien pour avoir des bons
masques FFP2 qui (puisqu'ils ne servent à rien !) vont équiper les
"bons" soignants", ceux de la maison de l’État, les seuls qui
comptent.
Ce qui va advenir va servir d'analyseur de la terrible faille du
système des soins français, l'hémiasomatognosie de son corps
vivant, puisqu'une seule de ses parties est connue, reconnue,
ressentie, bien qu'on l'ait traitée cette partie, l’Hôpital, avec
le mépris assuré des sachants de l’État, nos hauteurs inamovibles
et omniscientes qui font le seul bien possible, puisque TINA ,
There Is No Alternative, comme le disait si bien Mme
Thatcher.
Pourquoi évoquer ce point qui peut paraître secondaire ? Selon moi,
cette cécité psychique gauchit entièrement le système de soins qui
ne peut être dès lors pensé comme un tout, mais comme un raboutage
de segments, alors qu'une épreuve, celle du Covid 19, ou celle des
stress tests maintenant si habituels qui le parcourent
convulsivement, le fait dysfonctionner.
Plus généralement la construction du système est bancale quand
sa partie la plus cruciale, la consultation et la première réponse
ambulatoire ne peut pas être pensée sur le même plan je dirais plus
moral que matériel, que le monde de l'hôpital, simplement parce que
ce dernier est d'essence étatique, ce qui le place ipso jure dans
le cercle de confiance de l'État, quand l'ambulatoire est d'essence
impure (aka le privé, le libéral) et en sera de ce seul fait
toujours exclu. Il y aurait aussi tant à dire sur cet hémicorps
ignoré qui finit bien entendu par s'accommoder à cet état de fait,
dans un retrait boudeur, une passivité blessée ou simplement
l'exploitation des failles rentables du système.
Mais, plus grave, cette fissure conceptuelle a tant gagné les
routines des esprits que cette hemiasomatognosie n'est ni perçue,
ni même recherchée, car " c'est comme ça en France" où les places
et les rôles sont bien plus conçu comme émanant d'une appartenance
à une sorte d'ordre étatique, que provenant d'un mérite ou d'une
utilité. Et on a fini par s’y habituer en intégrant au passage
l’autocensure de toute pensée systémique citoyenne qui n’émanerait
donc pas des cercles étatiques.
TINA ? La seule alternative n'est rien moins, en ce qui
concerne le seul système de santé, que de penser l'existence d'une
instance régulatrice unique faisant abstraction des appartenances
des différents segments nécessaires le composant, une couche
d’abstraction assurant à leur gestion une neutralité idéologique
vis à vis du biais étatique.
En attendant, alors que les Hauteurs rêvent toujours à leur
tout hôpital, on est si bien entre soi, ce sont bien les inconnus
du système qui iront se coltiner la misère du monde, sans casque,
sans masque, sans reconnaissance, sans gel, sans médicament, avec
le 15 injoignable en cas de pépin.
Certains points relevés dans cet article sont peut-être vrais, mais l'événement pour l'illustrer est mal choisi : cette épidémie, là où on a déjà du recul, est un non événement pour la médecine de ville, alors qu'elle est une catastrophe hospitalière.
En effet en ville ce sera ni plus ni moins qu'une épidémie de grippe de plus. À l'exception de certains malades de ville qui deviendront oxygeno requerents, et qui vont rapidement s'accumuler à l'hôpital, au risque de dépasser ses capacités d'accueil. Au point d'avoir, en 2020 en France, à choisir qui on soigne et qui on laisse mourir, faute de matériel.
C'est là le seul vrai problème à venir. Espérons seulement que nous allons l'éviter ou du moins l'attenuer. Le reste n'est que littérature.
PS : je suis Urgentiste hospitalier en chu, et je n'ai pas accès au ffp2 (et ça m'est égal).
Un cas concret
Le 12 mars 2020
L'épidémie va se développer comme en Italie parce qu'on n'est pas bon. Jai une patiente en EHPAD qui a été prélevée hier en milieu de matinée et ce soir 18h toujours pas de résultat ! Deux équipes de soignants dans la nature sans masques, autant d'éventuelles propagations ... Quelle tristesse !
Dr Dominique Adelving
Les ARS ont tout fait pour évincer les établissements privés
Le 12 mars 2020
Que dire de plus, sinon que nos instances dirigeantes seront bien contentes de pouvoir réquisitionner les respirateurs et les lits de nos établissements privés quand le public sera saturé...ce qui ne devrait pas tarder au train où vont les choses. Encore merci aux gens de l’ARS qui ont tout fait pour évincer les établissements privés des autorisations d’ouverture de services de porte…
Installé comme ORL en 1985, retraité en 2017, j’ai assisté pendant 30 ans au démantèlement de l’exercice libéral... toujours plus de charges et de contraintes avec des actes techniques de plus en plus dévalorisés…