L’hypomanie, majoritairement considérée comme une forme atténuée de
la manie, est souvent difficile à reconnaître en tant qu’épisode
car ses limites et ses contours sont mal définis. Elle peut aussi
s’exprimer comme un trait durable de la personnalité hyperthymique
avec des stratégies de compensation. Classiquement cependant, elle
définit le trouble bipolaire de type II quand elle alterne avec des
épisodes dépressifs majeurs et se manifeste par des troubles de
l’humeur ou une humeur pathologique ou encore par des variations
d’humeur excessives ou extrêmes sans qu’il n’y ait eu d’événement
extérieur déclenchant ou avec des réactions disproportionnées par
rapport à ces événements. Elle correspond donc à un état maniaque
modéré avec plus d’initiative et d’énergie qu’en temps normal, une
activité sociale accrue, une perte de timidité ou d’inhibition,
chez des individus qui paraissent alors extravertis. Ces personnes
ont plus de projets et un foisonnement d’idées, sont motivés et
performants au travail et d’humeur très joyeuse, voire euphorique.
En bref, a souligné Daniel Souery (Bruxelles), ce sont les
personnes que l’on invite volontiers pour animer un dîner… Elles
ont aussi une activité physique accrue, un humour facile, mais sont
hypersensibles et logorrhéiques et infatigables sans manifester de
fuites dans les idées.
Que dit le DSM-5 ?
Sur le plan individuel, ces personnes consomment généralement
beaucoup de café ou de tabac et d’alcool, elles sont irritables,
impatientes, instables, colériques, verbalement agressives. Leurs
nuits sont souvent blanches sans signes de fatigue perceptibles.
Elles voyagent aussi beaucoup et ont de nombreuses conduites à
risque ou inadéquates, notamment au travail, une libido accrue, des
troubles de l’attention et une grande distractibilité. Enfin, elles
se distinguent souvent par des dépenses excessives, toutes
manifestations qui peuvent être scorées au YMRS (
Young Mania
Rating Score). Le DSM-5 définit aussi l’hypomanie comme des
modifications indiscutables du fonctionnement, manifestes pour
l’entourage, mais dont la sévérité n’est pas suffisante pour
entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou
social, ou entraîner une hospitalisation. Certains de ces épisodes
peuvent avoir des caractéristiques mixtes avec dévalorisation ou
culpabilité excessive, pensées de mort récurrentes et idées
suicidaires. L’hypomanie, qui peut aussi être subsyndromique (les
épisodes sont alors de courte durée de 2 à 3 jours), se distingue
de l’état maniaque par l’absence d’éléments psychotiques (pas de
délire, pas d’hallucinations), l’absence de désorganisation grave
du comportement, ou de l’organisation cognitive, et donc l’absence
de nécessité d’hospitaliser. La question se pose aussi souvent de
l’indication d’un traitement, au point que certains ont taxé
l’hypomanie d’invention du DSM ou de dérive de la
nosogalomanie.
Un prodrome du trouble bipolaire de type II ou une
hypercréativité ?
La plupart des experts considèrent aujourd’hui l’hypomanie
comme une extension du spectre bipolaire, mais qui peut s’exprimer
comme trait durable de la personnalité hyperthymique.
Parfois mixte, l’hypomanie peut être identifiée lors d’épisodes
dépressifs quand se présentent une distractibilité, une fuite des
idées, une irritabilité et une agitation psychomotrice, de la
logorrhée et la présence d’activités à risque. Quoi qu’il en soit,
l’hypomanie est un état qui pose encore question(s) et que certains
considèrent comme une qualité, voire une marque de génie, «
aucun génie n’ayant jamais existé sans une touche de folie »
estimait déjà Aristote…
Impulsivité, créativité, humeurs et émotions dépressives,
augmentation de l’énergie, réduction du besoin de sommeil, fuite
des idées, suggèrent en effet dans les études épidémiologiques une
co-ségrégation familiale pour les troubles bipolaires et la
schizophrénie avec la créativité. Inversement, la majorité des
personnes qui sont créatives ne souffrent pas de troubles de
l’humeur tandis que la majorité des personnes avec un trouble de
l’humeur ne sont pas exceptionnellement créatives… Les liens entre
créativité et psychopathologie correspondent à un U inversé où
l’augmentation des symptômes est associée à une augmentation de la
créativité jusqu’à une certaine intensité, après laquelle la
créativité va diminuer. Les états maniaques/hypomaniaques semblent
être les plus favorables pour la créativité, a conclu Jean-Michel
Aubry (Genève) qui faisait le point sur les relations hypomanie et
créativité.
Dr Dominique-Jean Bouilliez