L'insuffisance aortique (IA) congénitale est très rare en tant que lésion isolée. Le plus souvent, elle est associée à une bicuspidie aortique sténosante, une sténose sous-aortique localisée, une communication interventriculaire (prolapsus d'une des cusps). L'association la plus fréquente se fait dans le cadre du syndrome de Marfan. Quant au tunnel VG-aorte, il s'agit d'une communication anormale et non d'une véritable IA. Une équipe de New York rapporte une série de 7 patients ayant une IA congénitale sans anomalies intracardiaques associées, et sans caractéristiques morphologiques ni antécédents familiaux de maladie de Marfan. Cinq patients ont été suivis pendant plus de 30 ans (1954-1991), 2 ont été perdus de vue respectivement à l'âge de 8 et 10 ans. Le diagnostic a été posé à la naissance chez 2 patients, et pour les autres aux âges respectifs de 2, 5 et 8 mois, et de 3 et 5 ans.Parmi ces sujets, 3 n'ont pas été opérés et sont restés asymptomatiques à 8, 10 et 20 ans alors que le diagnostic avait été posé dans la première année de vie. Tous trois avaient une absence ou une hypoplasie d'une des cusps aortiques. Quatre ont bénéficié d'un remplacement valvulaire aortique par une prothèse mécanique à 3, 10, 15 et 20 ans, soit après une durée d'évolution respective de 3, 7 et 15 ans (2 cas). L'indication a été posée à partir de critères cliniques : augmentation du souffle diastolique, signes périphériques, thrill diastolique, souffle systolique d'accompagnement, et paracliniques : cardiomégalie radiologique, signes de surcharge ventriculaire gauche à l'ECG, aspects écho-Doppler et angiographiques d'IA importante. Parmi ces 4 patients, un a dû être réopéré pour changement de prothèse. L'histologie de la paroi aortique était normale, avec toutefois une dilatation de l'aorte ascendante. La valve aortique était quadricuspide. Chez un autre patient, asymptomatique 18 mois après l'intervention, la biopsie a révélé un remaniement myxoïde isolé sur une aorte ascendante modérément dilatée. Deux malades sont décédés 5 et 12 ans après l'intervention, par rupture d'un anévrysme disséquant de l'aorte ascendante. La biopsie aortique peropératoire a montré chez ces deux patients une nécrose kystique de la média, anomalie caractéristique du syndrome de Marfan.
Le fait notable de cette série est la présence chez tous les sujets d'une dilatation des sinus de Valsalva, s'accompagnant chez 6 d'entre eux d'une dilatation de l'aorte ascendante. Or, chez deux de ces patients, l'examen histologie de la paroi aortique a été en faveur d'un syndrome de Marfan. Le décès de ces deux malades souligne le caractère évolutif et fatal à court terme de ces lésions. Un nombre non négligeable de ces IA dites congénitales pourrait donc être en rapport avec des formes mineures de syndrome de Marfan. Les autres semblent dues au moins en partie à des anomalies congénitales de la valve elle-même. Le seul traitement, lorsque l'IA est considérée comme importante avec dysfonction ventriculaire gauche même asymptomatique, reste le remplacement valvulaire par une prothèse mécanique, associée à un remplacement de l'aorte ascendante si celle-ci est dilatée. Un suivi régulier et prolongé est nécessaire en raison des risques évolutifs, surtout si la biopsie retrouve une nécrose kystique de la média.
Donofrio M.T. et coll. : "Congenital aortic regurgitation : natural history and management". J. Am. Coll. Cardiol., 1992 ; 20 : 366-372.
Lucile Houyel