Lorsque l’on analyse les études portant sur l’immunothérapie dans le cancer, on constate rapidement qu’une fraction non négligeable de patients répond aux traitements avec des approches très variées : anti-CTLA4, anti-PD-1, anti-PD-L1, CAR T cells, virus oncolytiques… Et ces réponses, lorsqu’elles surviennent, sont très souvent de longue durée. Par ailleurs, les premières études sur les combinaisons de ces agents entre eux ou avec d’autres modes thérapeutiques sont très encourageantes.
A contrario, une majorité de patients ne répond pas, ou mal, tandis qu’on ne dispose pas de biomarqueur réellement fiable pour pronostiquer la réponse. Enfin, les combinaisons, aussi efficaces soient-elles, ne sont pas dénuées de toxicité.
Pour mieux comprendre ces phénomènes, il faut revenir aux fondamentaux : quand une tumeur se développe, elle est dans un premier temps éliminée par l’organisme avant que ne s’installe une tolérance et puis un échappement aux phénomènes immunitaires de défense. C’est ici qu’interviennent les inhibiteurs des points de contrôle (anti-CTLA, anti-PD1/PD-L1). Mais de nouveaux épitopes peuvent se développer avec des mutations faux sens, ces mutations ponctuelles dans lesquelles un nucléotide d’un codon est changé, modifiant l’acide aminé et rendant la protéine traduite non fonctionnelle. On sait aussi que la réponse clinique aux inhibiteurs des points de contrôle est liée à l’importance de ces mutations faux sens au sein de la tumeur et donc à l’infiltration intratumorale des CD8 et à l’expression des ligands de PD-1. Lorsque cette inhibition ne peut plus se produire, la tumeur se développe à nouveau, un phénomène qui peut être bloqué par la vaccination.
L’autre question qui se pose est celle de savoir pourquoi certaines tumeurs (dites ‘chaudes’), le mélanome par exemple, sont très sensibles à ces inhibiteurs, tandis que d’autres dites ‘froides’, dont l’adénocarcinome pancréatique, ne le sont pas. Avec en filigrane la question de la possibilité de ‘réchauffer’ ces tumeurs froides de manière à permettre aux inhibiteurs des points de contrôle d’exercer leur activité. Cette manipulation a déjà été réalisée sur modèle murin de cancers pancréatiques avec des agents de chimiothérapie connus (gemcitabine, nab-paclitaxel) ou encore des agonistes de CD40. Les souris traitées de la sorte sont à nouveau sensibles aux anti-PD-1/PD-L1 et aux anti-CTLA4 et voient ainsi leur survie allongée.
On entre ainsi de plein pied dans le domaine des combinaisons et des synergies possibles entre inhibiteurs des points de contrôle et traitements manipulateurs des cellules T (vaccins, CAR T-cells), mais aussi de leur combinaison entre eux ou avec d’autres agents : les inhibiteurs de l’environnement tumoral, les agents favorisant le trafic des cellules T, les agents réparateurs des déficits de présentation d’antigène, les agonistes des cellules T, …
Mais pas uniquement. Les études préliminaires sur l’association radiothérapie – inhibiteur des points de contrôle sont intéressantes à ce propos. Mais elles se fondent sur un rationnel inattaquable : les modes d’action de ces deux moyens thérapeutiques sur l’immunité sont fondamentalement différents.
Le sujet est donc vaste, et on n’est encore qu’aux prémices de l’utilisation de ces thérapies car il existe un nombre incalculable de produits efficaces et donc de combinaisons possibles. Enfin qu’en est-il de la toxicité de ces combinaisons, autant pour le patient que pour la société en termes de coûts ?
Quoi qu’il en soit et dans l’immédiat, Robert Vonderheide suggère de lancer des études qui vont au-delà de la simple mesure de PD-L1 en immunohistochimie, de mieux comprendre les séquençages et les mutations, et d’identifier des biomarqueurs qui permettent de ne soigner que les répondeurs et éliminer le risque de toxicité chez les non-répondeurs.
Dr Dominique-Jean Bouilliez