Incertitudes

Paris, le samedi 12 décembre 2014 – Jouer à cache-cache avec les certitudes, refuser qu’elles volent en éclat, les réinventer, les perdre, les débusquer. Notre vie est un incessant tour de passe-passe avec celles que nous appelons les certitudes que nous cherchions à les conserver à tout prix, à les établir ou au contraire à les détruire. Beaucoup aujourd’hui veulent croire que la science est l’unique réponse à cette quête, l’unique façon de ne pas voir vaciller ces déesses. Dans « La vie rêvée de Gaspard », la journaliste Agathe Lecaron, connue pour animer l’émission de vulgarisation scientifique « On n’est pas que des cobayes » qui connaît un important succès sur France 5, part à la recherche de réponses, sur une dimension par définition totalement incertaine : le futur. En s’interrogeant sur le devenir de son fils, Gaspard, aujourd’hui âgé de neuf mois, elle se demande dans le dernier volet de cette série diffusée sur France 5, vendredi 19 décembre, combien de temps durera sa vie et dans quelles conditions vieillira-t-il. Reste à rappeler que les avancées de la science sont grevées de mille et une incertitudes qui rendent impossibles toute prophétie sur la vie rêvée de Gaspard.

Humour en trombe

Si l’aura de la science la transforme dans l’esprit de beaucoup comme un oracle incapable de se tromper, ceux qui la font, la défont et la commentent ont souvent l’honnêteté de rappeler qu’elle est souvent le règne des incertitudes. Dans ses bulles, la dessinatrice Marion Montaigne ne présente ainsi jamais la science comme une vérité révélée. L’humour qu’elle adopte dans son ouvrage « Tu mourras moins bête, tome 3 – Science un jour, science toujours » qui vient de paraître est un formidable outil pour prendre de la distance avec cette aliénation de la certitude. Le livre n’en répond pas moins à de nombreuses questions grâce à l’intournable docteur Moustache, l’héroïne (si, si !) que les lecteurs de son blog connaissent bien et qui se propose de revenir sur la cryogénisation, la crédibilité des séries médicales ou encore le caractère "naturel" de l’homosexualité.

L’amour sombre

A l’instar de la science, la médecine entretient des rapports ambigus avec les certitudes. Si les médecins savent que notre vie et notre monde ne sont qu’une longue vallée d’hésitations et de surprises, ils peuvent parfois, en raison de leur sacerdoce, aborder l’existence imprégné de confiance et guidé par une morale qu’ils pensent inébranlable. Tel est Paolo, pédiatre hospitalier, qui aborde son métier avec foi et enthousiasme dans le film « Nos enfants » qui est sorti ce mercredi. Lorsqu’il apprend que l’homme qui a gravement blessé le petit garçon qu’il prend en charge est défendu par son frère avocat, il est plus que jamais convaincu qu’il ne partage pas les mêmes valeurs de justice que ce dernier. Pourtant, un drame familial va lui faire prendre conscience que les solides assises sur lesquelles il pensait avoir bâti sa vie sont aussi fragiles qu’un château de sable. Lorsqu’il découvre que son fils a tué, sans raison, une femme dans la rue, aidé de sa cousine (fille de son frère honni), il découvre la fragilité amère des certitudes.

Outre tombe

La morale, les valeurs, les fondements de notre société qui sont les thèmes qui traversent le film d’Ivano de Matteo, « Nos enfants », sont absents du roman de Françoise Liminana, auteur de « Jusqu’à devenir ». L’incertitude qui hante le docteur Françoise Liminana, médecin en soins palliatifs, est toute autre, mais l’assaille à chaque fois qu’elle se trouve au chevet d’une personne à l’approche de la mort. « Des questions me viennent souvent à l’esprit : au fond à quoi pense-t-elle ? Que pense-t-elle de nos soins ? (…). C’est pourquoi j’ai décidé de donner la parole à ces personnes » explique-t-elle citée par le portail Senior Actu. Ainsi, son roman est une suite de plusieurs monologues, d’êtres qui vont bientôt mourir, âgés de deux jours à 88 ans, qui savent autant rire que pleurer, se plaindre qu’espérer. Ici, pour résoudre l’inextricable incertitude quant aux pensées qui bordent le seuil de la mort, Françoise Liminana a fait le choix de la fiction. Une solution que beaucoup aiment à faire danser face au poids de l’incertain.

 

Télévision : France 5, « La vie rêvée de Gaspard », troisième volet : « Vivre mieux et plus longtemps », vendredi 19 décembre, 21h45.

Bande dessinée : « Tu mourras moins bête, tome 3 – Science un jour, science toujours ! », de Marion Montaigne, Delcourt, 256 pages, 19,99 euros.

Cinéma : « Nos enfants », d’Ivano de Matteo, 10 décembre 2014, 1h32

Roman : « Jusqu’à devenir », de Françoise Liminana, éditions le Bateau Ivre, 172 pages, 14 euros.

Aurélie Haroche

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