
Paris, le samedi 7 décembre 2013 – Qu’est-ce que la conscience ? La question, même si elle n’a pas toujours été formulée dans ces termes, a hanté les hommes depuis des milliers d’années. Que sont nos pensées ? Hier thème de prédilection des philosophes, avant d’être investi par la psychanalyse, ce sont désormais les spécialistes en neuroscience qui se sont emparés du sujet, avec l’espoir que grâce aux technologies modernes d’IRM, on pourra un jour « voir » la conscience.
« Une information disponible dans l’espace de travail neuronal global » !
Ce rêve, Stanislas Dehaene, l’a quasiment atteint. Il élabore en tout cas depuis de nombreuses années de solides théories sur ce qu’est la conscience. « Notre hypothèse de travail est que la conscience est issue d’un système de connexions corticales à longue distance qui permet au cerveau de diffuser de l’information » explique-t-il à la revue Sciences et Santé, diffusée par l'Inserm. « Etre conscient, c’est avoir une information disponible dans l’espace de travail neuronal global », continue-t-il. Celui qui a commencé à s’initier à ces questions aux côtés de Jacques Mehler, spécialiste des algorithmes du cerveau, et Jean-Pierre Changeux, toujours passionné par la biologie de la pensée, ne se contente pas « d’hypothèse de travail ». Récemment, l’unité de neuro-imagerie cognitive qu’il dirige au sein du centre NeuroSpin a identifié « un marqueur qui permet de différencier les patients en état végétatif de ceux en état de conscience minimale » explique l’INSERM.
Une vocation très précoce
Ces travaux et l’ensemble de son parcours, un modèle d’excellence, lui ont valu ce lundi 2 décembre de recevoir au Collège de France le Grand Prix Inserm 2013. La cérémonie a permis à ce natif de Roubaix, âgé de 48 ans de se souvenir de ses jeunes années durant lesquelles sa vocation était déjà très claire : « J’ai décidé d’être chercheur le jour où mon père m’a appris que ce terme remplaçait celui d’inventeur, un métier fantasmé qui m’obnubilait depuis toujours. J'avais une dizaine d'années et j'étais un gamin très bricoleur. Je faisais de la menuiserie, de la programmation, je démontais tous les appareils qui me tombaient dans les mains » a-t-il ainsi raconté à Sciences et Santé.
Que se passe-t-il dans ma tête ?
Ces expériences enfantines vont d’abord le conduire vers les mathématiques, en particulier les mathématiques appliquées, discipline qu’il étudie à l’Ecole normale supérieure dont il est élève de 1984 à 1989. Est-ce au cours de cette période durant laquelle son cerveau a continuellement analysé des chiffres que l’idée lui est venue de s’interroger sur ce qui passe dans le cerveau quand on calcule ? Le sujet a en tout cas passionné Stanislas Dehaene qui lui a notamment consacré un livre, « La Bosse des maths ». Puis, celui qui est titulaire d’un doctorat en psychologie expérimentale a étendu sa réflexion aux mécanismes cérébraux en action lors de la lecture. Il présente ses expériences et ses théories sur le sujet dans deux ouvrages : « Les neurones de la lecture » ou encore « Apprendre à lire ».
Des expériences qui auraient plus à Georges P-r-c !
Aujourd’hui, celui que l’on présente comme « le spécialiste des architectures cérébrales qui sous tendent les fonctions cognitives » finalise un nouvel ouvrage qui paraîtra d’abord en anglais sous le titre « Consciousness and the brain ». Pour la rédaction de ce livre comme pour les précédents, Stanislas Dehaene a tenu indique-t-il à Sciences et Santé à emprunter de belles références littéraires à Prévert, Perec ou encore Nabokov. Pas étonnant pour un homme qui s’intéresse aujourd’hui à la façon dont l’éducation peut transformer le cerveau !
Aurélie Haroche