Infection aiguë par le VIH : traiter tôt (puis arrêter ?)

Proposer un traitement antirétroviral pendant la phase aiguë de l’infection, celle au cours de laquelle le risque de transmission de l’infection est le plus élevé, conduit 98% des patients à avoir moins de 200 copies/ml après 24 semaines (93% avec moins de 20 copies/ml), quel que soit le stade Fiebig établi selon l’évolution des marqueurs virologiques. Le traitement prévient généralement le passage à la chronicité de l’infection. De plus, ce traitement précoce réduit la taille du réservoir viral dans les tissus sanctuaires et diminue l’inflammation chronique. Enfin, des données plus récentes semblent confirmer le fait qu’un traitement précoce permet à un nombre substantiel de patients de rester séronégatifs. La question reste posée de savoir si l’on peut arrêter ce traitement et comment.

Vers la rémission ?

Avant de parler de rémission au sens strict, il est intéressant d’apprécier le devenir de ces patients lorsque le traitement antirétroviral est arrêté. Plusieurs études ont été développées dans ce sens. Elles ne concernent encore que des populations limitées (8 à 27 participants pour les 4 études évoquées), mais elles montrent toutes un rebond de la charge virale après une vingtaine de jours d’arrêt en moyenne. Ce rebond de la charge virale ne se traduit cependant pas par un syndrome rétroviral aigu ni par une chute des CD4 ou le développement de résistance. De plus, tous répondent lorsque le traitement est réintroduit.

Ces études ont montré également que l’on retrouve des séquences similaires entre l’infection aiguë et la phase de rebond suggérant l’absence de réplication virale durant le traitement antirétroviral avec possible expansion clonale des cellules latentes infectées mais sans augmentation du réservoir ni émergence de mutations. Enfin, on a pu constater une augmentation du nombre de cellules T CD8+ spécifiques au VIH après l’interruption, une constatation qui a remis la question du vaccin au centre de l’actualité. Administré avec le traitement antirétroviral, son potentiel en rémission est pour l’instant étudié dans une étude portant sur 18 patients vaccinés versus 9 sous placebo et dont les résultats sont attendus pour 2019. Les experts attendent beaucoup de cette stratégie, notamment parce qu’on a déjà pu constater une forte immunogénicité avec les traitements par cellules dendritiques.

Quoi qu’il en soit, ces études ont montré que la chute de charge virale n’est pas suffisante pour empêcher le rebond et que l’immunité n’est pas suffisante ou enclenchée trop tard.

Que nous réserve le futur ?

De nombreux experts pensent que le délai avant rebond de la charge virale n’est pas le meilleur critère d’évaluation, mais il est actuellement le seul accessible aisément. De plus la durée fixe du traitement suivant une infection aiguë (24 semaines) pourrait être modifiée, soit en augmentant cette durée, soit en la réduisant mais en associant d’autres traitements, soit en modulant la durée en fonction des marqueurs virologiques. Dans ce sens, il pourrait être intéressant de combiner au cours de la phase aiguë des anticorps monoclonaux comme le vedolizumab qui agit en bloquant l'intégrine α4-β7, une molécule-clé permettant l'acheminement de cellules de l'immunité. L’association aux LRA (Lipid Removal Agent) ou aux DART (anticorps à double activité reciblant) est une autre option en cours d’investigation.

Après arrêt du traitement antirétroviral, la recherche se focalise pour l’instant sur l’immunothérapie par cellules dendritiques, les vaccins thérapeutiques ou encore la combinaison d’un vaccin avec un LRA ou un DART.

Dr Dominique-Jean Bouilliez

Référence
Kroon E. Early intervention therapies in humans : ART, antibodies, and vaccines. CROI 2018. Abstract n°51.

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.

Réagir à cet article