
Paris, le mardi 18 novembre 2014 – Depuis plusieurs années, s’exprime chez les professionnels de santé libéraux un profond malaise. A des conditions de travail que beaucoup considèrent comme dégradées (en raison notamment du poids accru des tâches administratives et d’exigences renforcées des patients), s’ajoutent le sentiment d’un mépris marqué des pouvoirs publics et une désillusion certaine quant à l’impossibilité de voir leur rémunération évoluer. Ce phénomène touche massivement les médecins mais également les infirmières.
40 % des infirmières pessimistes quant à leur avenir
Beaucoup se souviennent sans doute que parallèlement aux mouvements de protestation des médecins libéraux l’année dernière, les infirmières avaient elles aussi fondé leur groupe sous le nom de « Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes » qui entendait dénoncer l’ensemble des maux pesant sur elles. Si ce collectif continue aujourd’hui d’exister (et était notamment présent lors du récent salon infirmier), faute de médiatisation, mais aussi de réponse des pouvoirs publics, son action tend à s’essouffler. Pourtant, le malaise des infirmières libérales demeure marqué, comme le suggère une enquête conduite par la branche infirmière de l’Union régionale des professions de santé (URPS) d’Ile de France. Ce sondage (réalisé par le biais de questionnaires envoyés par courrier) grevé d’un taux de réponse très bas (autour de 5 %) met néanmoins en évidence que 62 % des infirmières libérales qui ont répondu s’estiment menacées par le burn-out tandis qu’une sur cinq envisage de changer de métier (un résultat cependant sans doute biaisé par le fait que les plus mécontentes auront davantage été incitées à remplir le formulaire). Tâches administratives trop lourdes, patients de plus en plus exigeants et absence de reconnaissance de leurs actions sont les trois principales raisons invoquées pour justifier ce désir d’abandonner la carrière infirmière. On observe également que les infirmières sont très nombreuses (75 %) à évoquer des difficultés pour concilier vie professionnelle et vie personnelle. Enfin, d’une manière générale, l’optimisme n’est pas de mise, puisque seules 28 % ont une vision positive de leur avenir professionnel et 40 % se déclarent ouvertement pessimistes. Des résultats qui font écho à la conclusion d’un sondage mené sur notre site et qui révélait que 70 % des infirmières préféraient ne pas conseiller à leurs enfants d’embrasser la même carrière qu’elles.
Le blues arrive en ville
Ces résultats confirment donc l’existence d’un malaise important chez les infirmières libérales. Ils soulignent également la différence entre ces dernières et les professionnelles exerçant à l’hôpital. L’Observatoire des infirmières réalisé par TNS Sofres en 2013 auprès d’infirmières hospitalières proposait en effet un portrait bien plus flatteur de la profession. On y découvrait notamment que moins de 15 % des infirmières envisageaient de changer de métier, soit une proportion plus faible que chez les libérales. Par ailleurs, 97 % des personnes interrogées déclaraient trouver leur métier passionnant et/ou épanouissant. Présentation des résultats diversement orientée, questions pas parfaitement similaires, biais de recrutement plus marqué dans le cas des infirmières libérales, plusieurs raisons expliquent les différences retrouvées. Cependant, on note qu’à l’instar de ce qui s’observe chez les médecins, la grogne et la désillusion apparaissent aujourd’hui plus marquées dans le secteur libéral.
D’ailleurs, quand on interrogeait les infirmières hospitalières quant à leurs perspectives d’avenir dans les cinq ans à venir, elles n’étaient que 11 % à caresser le rêve de s’installer en ville.
Aurélie Haroche