Innovations thérapeutiques en immuno-psychiatrie

Le rôle de l’inflammation chronique dans les principales pathologies psychiatriques a fait l’objet d’un intérêt scientifique grandissant au cours de cette dernière décennie, et a ouvert des voies de recherche innovantes dans le champ de la santé mentale. Un modèle général éthiopathogénique propose aujourd’hui une intrication entre des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs environnementaux intervenant à différents moments de la vie, et incluant tout particulièrement les infections précoces, les traumatismes psychique sévères, et les carences. Ces facteurs contribueraient, entre autres, à une inflammation chronique à bas bruit, et à la réactivation de rétrovirus endogènes.

Place des anti-inflammatoires en add-on (1)

Plusieurs revues de la littérature récentes font état d’une dysrégulation immunitaire dans la schizophrénie, notamment au travers d’un profil anormal de cytokines circulantes pro et anti-inflammatoires. De telles modifications sont présentes avant le déclenchement de la maladie et sont donc au moins en partie indépendantes des conséquences de la pathologie et du traitement psychotrope. Plusieurs essais thérapeutiques ont montré une efficacité des traitements anti-inflammatoires dans la prise en charge de patients schizophrènes ou de patients souffrant de troubles de l’humeur. A ce jour, 4 classes thérapeutiques ont été étudiées : des acides gras poly-insaturés (Omega 3), un inhibiteur de la cyclo-oxygénase (Celecoxib), des anti-TNF alpha, et la minocycline. Les omega 3 ont été étudiés en add-on dans la dépression et une partie d’entre eux seulement présente une efficacité dans cette indication. Le celecoxib a montré une efficacité en add-on dans la dépression. On observe des résultats similaires pour les anti-TNF alpha et la minocycline. Des données préliminaires de deux essais contrôlés suggèrent également l’efficacité de l’aspirine dans la diminution de la symptomatologie délirante chez les patients schizophrènes. La N-acétyl-cystéine à forte posologie pourrait également avoir un intérêt, mais les données sont insuffisantes pour conclure à ce jour.

On aperçoit donc l’émergence récente d’un possible nouvel arsenal thérapeutique face à ces pathologies. Il est possible que le repérage en amont de sous-groupes de patients présentant des marqueurs inflammatoires (par exemple, une CRP ultra-sensible > 3mg/ml), permette de cibler une population plus sensible à ces nouvelles stratégies, avec une meilleure réponse et donc une amélioration symptomatique globale.

La voie des rétrovirus humains endogènes (2)

Les rétrovirus humains endogènes (HERV pour Human Endogenous Retro-Virus) sont une séquence de notre génome transmissible d’une génération à l’autre. Ils sont généralement inactifs et proviennent probablement d’infections de cellules germinales par des rétrovirus intégrés au génome et transmis ainsi au cours des générations. C’est dans les années 1990, presque par hasard, que les HERV ont été découverts par une équipe qui cherchait à identifier des rétrovirus classiques de la famille HTLV (Human T Lympocyte Virus) chez des patients atteints de sclérose en plaques. Le premier HERV découvert porte d’ailleurs le nom de « Multiple Sclerosis Associated Retrovirus » (MSRV). Alors que les études pan-génomiques: les « GWAS » (Genome Wide Association Studies) étudient environ 1 % de notre ADN, les HERV représentent environ 8 % de ce même ADN. Et nous commençons tout juste à identifier des fonctions à ces éléments.

En 1999, une première étude en psychiatrie a fait état de différences dans les gènes HERV chez des jumeaux discordants pour la schizophrénie. Plusieurs études concernant la schizophrénie ont depuis appuyé l’hypothèse d’une contribution d’un HERV en particulier : l’HERV-W. Ainsi des transcriptions d’HERV-W ont été retrouvées de manière importante dans le sérum de patients schizophrènes en Europe, en Chine et en Amérique du Nord. Des antigènes de protéines d’enveloppe et de capside d’HERV-W ont été retrouvés dans le sérum de patients schizophrènes, et étaient corrélées au niveau de CRP. Enfin, l’étude de l’impact des protéines d’enveloppe d’HERV-W au niveau cellulaire a permis la mise en évidence d’une neuropathogénicité directe via une dérégulation de neuro-récepteurs clefs (récepteurs dopaminergiques, récepteurs NMDA).

L’hypothèse actuellement retenue est que des agents infectieux (notamment en période pré et péri-natale) pourraient déclencher l’expression et l’activation de HERV-W avec des conséquences pathogènes directes (neuropathogénécité) et indirectes (inflammation chronique, neurotoxicité) en lien avec le déclenchement de la schizophrénie. Dès lors, de nouvelles cibles thérapeutiques peuvent être envisagées, comme par exemple un anticorps anti-protéine d’enveloppe d’HERV-W.

Si depuis de nombreuses décennies, les observateurs ont suspecté l’existence de liens entre l’immunité et les pathologies psychiatriques -au travers par exemple de la saisonnalité de naissance des patients schizophrènes, ou encore des corrélations entre pandémies influenza et troubles psychiatriques-, les nouvelles techniques d’investigations paracliniques permettent d’explorer cet axe encore largement méconnu que constitue l’immuno-psychiatrie. Les perspectives de développement de nouveaux outils pharmacologiques qui manquent cruellement à cette spécialité doivent retenir toute notre attention.

Dr Florian Lejuste

Références
Session : « Innovations thérapeutiques en immuno-psychiatrie » présidée par
Marion Leboyer (Créteil).
(1) Fond G : Anti-inflammatoires en psychiatrie, une nouvelle manière de prescrire
les psychotropes.
(2) Perron H : La voie des rétro-virus humains endogènes, un espoir thérapeutique
dans la schizophrénie.
7ème Congrès français de psychiatrie (Lille) : 25 - 28 novembre 2015.

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