INSUFFISANCE CARDIAQUE : FONDAMENTALE DIGITALE

Bien que les digitaliques soient maintenant utilisés depuis plus de 200 ans dans le traitement de l'insuffisance cardiaque chronique, ils ont récemment fait l'objet de diverses controverses. Ceci est notamment le cas depuis la mise sur le marché des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC).

L'utilité des digitaliques chez les patients en rythme sinusal a même été remise en cause, bien que des analyses aient montré leur action favorable sur l'état clinique et la tolérance à l'effort chez ces mêmes sujets présentant une altération de la fonction ventriculaire gauche. Les bénéfices cliniques et hémodynamiques, et surtout la réduction de mortalité obtenus sous IEC, ont ainsi conduit certains médecins à arrêter la prescription de digitaliques.

Or, les effets de l'interruption des digitaliques chez des patients cliniquement stables et recevant par ailleurs des IEC et des diurétiques ont été peu étudiés.

C'est pour mieux évaluer l'utilité de la digoxine que l'étude
RADIANCE (Randomized Assessment of the effect of Digoxin on Inhibitors of the Angiotensin-Converting Enzyme study) a été mise en œuvre.

Patients en rythme sinusal
et sous IEC

Cent soixante-dix-huit patients (136 hommes et 42 femmes) en classe II (130 sujets) ou III (48 patients) de la NYHA (New York Heart Association), en rythme sinusal et avec une fraction d'éjection de 35% ou moins (en moyenne 27%), ont été inclus. Tous étaient cliniquement stabilisés sous un traitement associant de la digoxine, des diurétiques et un IEC (captopril ou énalapril). L'insuffisance cardiaque était due à une ischémie pour 107 d'entre eux, une cardiomyopathie idiopathique pour 67 autres
et une valvulopathie opérée pour 4 sujets. Après randomisation en double aveugle et pendant douze semaines, 85 sujets ont continué à recevoir de la digoxine tandis que les 93 autres ont reçu un placebo.

La vie en rose

Une poussée d'insuffisance cardiaque a nécessité une rééquilibration thérapeutique chez 23 patients dans le groupe placebo contre seulement 4 dans le groupe sous digoxine (p < 0,001). Quatorze de ces 27 sujets, 12 du groupe placebo contre 2 seulement du groupe digoxine, ont même dû être placés en unité de soins intensifs ou hospitalisés.

Le risque relatif d'une aggravation de l'insuffisance cardiaque en cas d'arrêt de la digoxine a été de 5,9. Une détérioration de la capacité fonctionnelle a pu être notée tant pour les efforts maximum que pour les tests sous-maximaux et la classification NYHA. Par ailleurs, les sujets sous placebo se sont plaints d'une diminution de leur qualité de vie confirmée par le questionnaire du Minnesota Living with Heart Failure, leur fraction d'éjection a diminué, leur fréquence cardiaque s'est accélérée et ils ont pris du poids.

Un arrêt dangereux

Ainsi, cette étude met en évidence le véritable danger d'arrêter un traitement par digoxine chez l'insuffisant cardiaque même en rythme sinusal. L'augmentation de l'inotropisme et l'activation du système neurohormonal pourraient en partie expliquer les effets de cette molécule qui a très certainement de belles années devant elle...

 

Packer M. et coll. : "Withdrawal of digoxin from patients with chronic heart failure treated with angiotensin-converting-enzyme Inhibitors". N. Engl. J. Med., 1993 ; 329 : 1-7.

Tirés à part : Dr. Packer, Division of Circulatory Physiology and Center for Heart Failure Research, Columbia University, College of Physicians and Surgeons, 630 W. 168th St., New york, NY 10032.

Smith T. : "Digoxin in heart failure". (éditorial) N. Engl. J. Med., 1993 ; 329 : 51-53.

Joëlle Chahbenderian

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