Une insuffisance mitrale (IM) complique fréquemment les cardiopathies ischémiques et grève leur pronostic lorsqu'elle est sévère. Sur le plan anatomique, elle se caractérise par un remodelage ventriculaire gauche avec déplacement des muscles papillaires, accolement des feuillets mitraux et défaut de cooptation.
Le traitement de ces IM repose notamment sur la revascularisation myocardique lorsqu'elle est possible et sur la correction chirurgicale de la fuite mitrale. Celle-ci peut se faire soit par réparation valvulaire par annuloplastie restrictive soit par remplacement valvulaire avec préservation de l'appareil sous valvulaire. Le choix entre ces deux options ne fait pas l'objet d'un consensus.
C'est pourquoi un groupe multicentrique nord-américain, le Cardiothoracic Surgical Network, a entrepris un essai chirurgical randomisé (ouvert) dans 22 centres des Etats-Unis et du Canada. Après les résultats à un an publiés en 2013 (Insuffisance mitrale post-infarctus : réparation ou remplacement valvulaire ?), ce sont les données après 2 ans de suivi qui sont présentées aujourd'hui.
Moins de récidives mais plus d'insuffisances cardiaques
Deux cent cinquante et un coronariens justifiant une chirurgie mitrale ont été randomisés entre les deux options chirurgicales. Tous les autres traitements, médicaux et chirurgicaux, étaient laissés à la discrétion des praticiens en charge des patients.
A 2 ans l'indice de volume télé-systolique moyen ventriculaire gauche (IVTSVG) mesuré par échographie trans-thoracique des survivants était de 52,6 ml/m2 dans le groupe annuloplastie valvulaire contre 60,6 ml/m2 dans le groupe remplacement valvulaire correspondant respectivement à une diminution par rapport à l'état pré-opératoire de 9 ml/m2 et de 6,5 ml/m2. Lorsque il était tenu compte des décès il n'y avait pas de différence significative entre les deux groupes (z score = -1,32 ; p = 0,19).
Sur le plan clinique, le taux de récidive d'une IM modérée à sévère était nettement plus élevé avec la réparation mitrale (58,8 % contre 3,8 %; p <0,001). Et si on ne notait pas de différence significative entre les deux groupes sur le taux global de complications graves et de réadmissions, on constatait significativement plus de complications en rapport avec une insuffisance cardiaque (p = 0,05) et de réadmissions pour cause cardiovasculaire (p = 0,05). Quant à la mortalité elle était statistiquement équivalente dans les deux groupes (19 % avec l'annuloplastie contre 23,2 % avec le remplacement valvulaire; hazard ratio: 0,79 avec un intervalle de confiance à 95 % entre 0,46 et 1,35; p = 0,39). Il faut noter cependant que l'étude n'avait pas la puissance suffisante pour détecter une différence de mortalité à 2 ans.
Dans l'attente de résultats à plus long terme
A l'issue de cette surveillance de deux ans, il est donc difficile de conclure formellement. Si le remplacement valvulaire permet une correction plus complète et plus durable de la régurgitation mitrale, il n'a pas d'avantages en termes de remodelage ventriculaire inverse et il expose à une mortalité à 30 jours plus élevée (4 % contre 1,6 % dans cette étude) et aux complications à moyen et long terme des prothèses. En revanche, l'annuloplastie mitrale est associée à moyen terme à un plus grand risque d'insuffisance cardiaque.
Le suivi prolongé des patients de cette étude permettra, on peut l'espérer, de mieux éclairer le choix des chirurgiens. En attendant, l'espérance de vie des patients avant l'intervention (en tenant compte de toutes les pathologies associées) est peut-être un critère de décision important, l'annuloplastie étant probablement à privilégier si l'espérance de vie est limitée.
Dr Céline Dupin