INSUFFISANCE RENALE ET IMMUNOGLOBULINES INTRAVEINEUSES

Les indications des immunoglobulines intraveineuses se sont multipliées ces dernières années avec souvent de bons résultats dans les affections relevant d'un mécanisme immunitaire. En neurologie, les principales indications en sont actuellement la myasthénie et les polyradiculonévrites chroniques mais leur intérêt dans de nombreuses autres affections fait actuellement l'objet d'évaluations.

Malgré un coût élevé, leur réputation de bonne tolérance et la rareté de leurs effets secondaires font que leur emploi est de plus en plus répandu.

E. Tan et coll. ont rapporté les observations de deux malades chez qui l'utilisation des immunoglobulines intraveineuses a conduit à une insuffisance rénale préoccupante.

Le premier cas était celui d'une femme de 45 ans porteuse, d'une part d'un diabète non insulino-dépendant bien équilibré par le régime et un traitement oral, et d'autre part une possible sarcoïdose systémique responsable d'un taux de créatinine sanguine variant entre 140 et 200 µmol/l. Une tentative de corticothérapie avait dû être interrompue car son équilibre glycémique avait été totalement perturbé.

Des manifestations neurologiques subaiguës sont apparues, évocatrices de polyneuropathie démyélinisante chronique : déficit sensitivo-moteur prédominant aux membres inférieurs avec hyporéflexie ostéo-tendineuse, tracé neurogène à l'électromyogramme avec ralentissement des vitesses de conduction nerveuse, démyélinisation sans granulomes à la biopsie nerveuse, hyperprotéinorachie à 0,94 g/l. Elles ont conduit à poser l'indication d'un traitement par immunoglobulines par voie IV, compte tenu de la mauvaise tolérance antérieure de la corticothérapie.

Une cure de l g/kg/j d'IgG pendant 3 jours a donc été instituée à un débit maximum de 150 ml/h. Le troisième jour est apparue une insuffisance rénale avec oligo-anurie et la créatininémie s'est élevée jusqu'à 770 µmol/l. Cette forte augmentation de la créatinine plasmatique justifiait une mise sous dialyse qui a permis une amélioration rapide de la situation. La biopsie rénale a montré des anomalies des cellules tubulaires évocatrices de lésion "hyperosmolaire" et des glomérules de type "diabétique" sans réaction inflammatoire, ni éosinophiles, ni dépôts de complexes immuns.

Avis aux neurologues !

Une reprise ultérieure du même traitement à doses et débits moindres ne devait pas déclencher d'autre épisode d'insuffisance rénale tandis que la neuropathie s'améliorait progressivement.

La deuxième observation concernait une femme de 69 ans porteuse d'un purpura thrombopénique idiopathique et d'une intolérance intermittente aux hydrates de carbone. Après avoir subi deux cures de gammaglobulines par voie IV (0,4 g/kg/jour pendant 6 jours à 15 jours d'intervalle) en pré-opératoire du fait d'une thrombopénie persistante, apparaissait, le 21e jour, une oligo-anurie ; la créatininémie passait dans le même temps de 140 µmol/1 à 490 µmol/l nécessitant une mise sous dialyse.

La biopsie rénale montrait à nouveau des lésions tubulaires isolées de type "hyperosmolaire", sans anomalies glomérulaires.

Les effets secondaires des immunoglobulines sont peu fréquents (moins de 5% des cas) et habituellement bénins. Quelques réactions anaphylactiques peuvent survenir mais le plus souvent chez des sujets prédisposés. Des crises comitiales et des épisodes méningés lymphocytaires ont été décrits de façon exceptionnelle.

Les complications rénales semblent rares. Parmi les quelques autres cas décrits une biopsie rénale a montré des lésions tubulaires similaires à celles signalées ici.

Les auteurs ont donc suggéré de prévoir, chez les sujets présentant une fonction rénale limite, des doses et des débits moindres (par exemple 0,5 g/kg/j à 50 ml/h) et de définir plus précisément les indications des immunoglobulines IV.

 

Tan E. et coll. : "Acute renal failure resulting from intravenous immunoglobulin therapy". Arch. Neurol., 1993 ; 50 : 137-139.

Jean-Marc Bleibel

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