
En préambule, le CNOM rappelle que « bien qu’apparus il y a une cinquantaine d’années, les systèmes informatisés d’aide au diagnostic et à la décision médicale ont longtemps vu leur usage freiné pour des raisons à la fois scientifiques, sociologiques et technologiques ». Ainsi, désormais, les évolutions des techniques font se multiplier les publications scientifiques pour comparer les performances respectives des médecins et des algorithmes dans leur capacité de diagnostic.
Du généraliste au prof de dermato…bientôt tous remplacés ?
Citons, par exemple, ces travaux publiés fin 2016, dans le JAMA qui évaluaient les capacités d’un algorithme développé par Google pour la détection des rétinopathies diabétiques. Il est apparu, qu’après avoir appris à reconnaître les fonds d’œil pathologiques sur une base de 128 000 images, l’IA a obtenu des résultats comparables aux ophtalmologues !Quelques mois plus tard, la revue Nature publiait, à son tour, les résultats d’une équipe américaine ayant réussi à rendre un algorithme aussi performant qu’un dermatologue expérimenté pour distinguer grains de beauté et mélanomes, cela après l’avoir entraîné sur une banque de plus de 100 000 iconographies de lésions cutanées.
Les chercheurs ont en outre noté que les performances humaines et celles des logiciels sont équivalentes lorsqu’il s’agit de pathologies courantes et que la supériorité du médecin n’existe plus réellement que dans l’observation de symptomatologies rares.
Un confrère borné ?
Néanmoins, l’IA apparaît pour le moment quelque peu bornée.Ainsi, si elle a la capacité de travailler plus vite et sur des volumes de données considérables, elle se cantonne à des tâches bien précises et délimitées alors que le bon vieux médecin humain raisonne, analyse son environnement et communique avec ses pairs.
Le cardiologue et prospectiviste américain Eric Topol résume quant à lui dans le Lancet « les professionnels de santé resteront au cœur de la prise en charge médicale. L’IA augmentera leurs capacités de diagnostic en leur faisant gagner du temps sur l’observation fastidieuse des images (…) l'IA pourrait devenir le complément infatigable et rentable des médecins en leur donnant plus de temps pour se concentrer sur la complexité de chaque patient pris individuellement »…mais ces conclusions ne sont peut-être que des vœux pieux et il semble difficile de trancher, aujourd’hui, si l’IA ne supplantera pas tout bonnement le médecin.
Si, dans son document (accessible, ici : https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnomdata_algorithmes_ia.pdf), l’Ordre loue également la mise au point de « jumeaux numériques » de patients pour améliorer les gestes chirurgicaux ou encore l’élaboration de « jeux sérieux » de plus en plus sophistiqués pour l’éducation thérapeutique, il souligne, néanmoins, les importantes questions éthiques soulevées par cette « révolution ».
Rendez-vous, peut-être, en 2050 pour les négociations entre la CNAM et les syndicats de robots libéraux !
Frédéric Haroche