L'âge médian de survenue d'une tumeur épithéliale de l'ovaire est de 51 ans, et cette pathologie est rare avant 40 ans. C'est la raison pour laquelle la plupart des stratégies de dépistage se sont focalisées sur le groupe des femmes ménopausées. Reste pourtant que nous voyons de temps en temps des patientes jeunes, pour ne pas dire
- rarement, heureusement - exceptionnellement jeunes. Or, l'apparition de nouvelles méthodes de dépistage pourrait donner un intérêt nouveau à la recherche de cette tumeur chez des femmes jeunes, en accord avec la notion bien connue en épidémiologie du lead-time bias, qu'on peut traduire par avance au diagnostic. Ainsi, faire un diagnostic précoce va allonger la période d'observation, donnant dans tous les cas l'impression d'un allongement de la survie... qui n'a aucun intérêt si la tumeur n'est pas accessible à un traitement efficace (c'est le cas, par exemple, du cancer bronchique), mais qui au contraire peut sauver des vies si une thérapeutique existe (comme dans les tumeurs mammaires). Encore faut-il s'assurer que les tumeurs ainsi découvertes soient effectivement à un stade moins avancé qu'en cas de découverte symptomatique.
Un registre exhaustif des tumeurs de l'ovaire en Californie
C'est l'intérêt d'une étude de l'Université de Californie où existe depuis 1982 un registre exhaustif des tumeurs. Les auteurs ont donc pu analyser le devenir des patientes atteintes d'un cancer de l'ovaire avant l'âge habituel de 40 ans. Soixante-douze malades ont été incluses. Il est vite apparu que des différences existaient entre les patientes âgées de moins de 30 ans au diagnostic (n=20) et les autres. En effet, dans le groupe des femmes les plus jeunes, 9 patientes (45%) étaient porteuses d'une tumeur de stade 1, alors que la proportion n'était plus que de 17% ensuite (p=0,03). De plus, six patientes (30%) avaient une tumeur de grade histologique 0, à faible malignité, tandis que 12 autres (60%) étaient atteintes d'une tumeur de grade l ; au contraire, chez les femmes de 30-39 ans, seules deux sujets (4%) avaient une tumeur de grade 0 et 17 (33%) un cancer de grade 1.
Une meilleure survie chez les femmes jeunes
Comme on pouvait alors s'y attendre, la survie s'en est ressentie et apparaît comme très largement meilleure (p=0,01) chez les patientes les plus jeunes. L'analyse multivariée montre que ce gain de survie est surtout du au plus faible grade histologique (p=0,0006).
Cette étude renforce donc l'idée de l'intérêt d'un dépistage précoce du cancer de l'ovaire, puisqu'il semble exister (à vrai dire, à l'instar de tous les cancers) une phase de latence préclinique prolongée. Malheureusement, le moyen idéal de dépistage reste à découvrir. Le problème est d'autant plus compliqué que les facteurs de risque classiquement reconnus (nulliparité, antécédents familiaux) ne sont pas retrouvés dans le cas qui nous occuppe.
Jean Trédaniel
Plaxe S.C. et coll. : "Profiles of women age 30-39 and age less than 30 with epithelial ovarian cancer". Obstet. Gynecol., 1993 ; 81 : 651-654.
TREDANIEL JEAN