La chirurgie ambulatoire en danger ?

Par le Professeur Jean-Pierre Triboulet

Paris, le samedi 27 octobre 2012 – Le retard de la France dans le développement de la chirurgie ambulatoire est connu de longue date et de tous. Le sujet avait d’ailleurs était finement analysé par un certain François Hollande, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle. Répondant à la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), il soulignait au printemps : « La France est lanterne rouge (…). Trente pourcent seulement des opérations sont réalisées selon ce mode, qui entraîne cinq fois moins d’infections nosocomiales, contre 60 % en Allemagne et 90 % aux Etats-Unis » observait-il. Son objectif était donc clairement de promouvoir ce type de prise en charge. Un autre élément devait l’y inciter plus encore : l’état des finances de notre pays. D’ailleurs, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 actuellement examiné par l’Assemblée nationale incite au développement de la chirurgie ambulatoire pour réduire les dépenses hospitalières. Parallèlement, un décret pris le 20 août dernier se fait fort selon son intitulé « d’assouplir » la réglementation relative à la chirurgie ambulatoire. Ce texte est-il une avancée ? Rien n’est moins sûr pour le Président de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA), le professeur Jean-Pierre Triboulet (CHRU Lille) qui estime que ce décret est totalement contraire à l’objectif affiché et qu’en dépit des apparences, il conduira à un « recul ».

Un décret paru le 20 août 2012 * modifie certaines conditions techniques de fonctionnement des structures alternatives à l’hospitalisation notamment la chirurgie ambulatoire. Ce décret est considéré comme une régression par l’Association Française de Chirurgie Ambulatoire (AFCA) par rapport aux précédentes dispositions de 1992.

La France très en retard

Le développement de la chirurgie ambulatoire et la formation à cette prise en charge sont considérés par les autorités comme des priorités nationales. Ses avantages sont en effet reconnus par tous : amélioration de la qualité des soins, de la sécurité des patients, diminution des dépenses de santé. Ces avantages sont largement tributaires du respect de règles fondamentales comme l’organisation d’un circuit spécifique, l’attribution de locaux, de personnels et de moyens dédiés. Or, le nouveau décret introduit la possibilité d’exercer des activités ambulatoires avec du personnel exerçant également en hospitalisation  conventionnelle, dans des locaux non dédiés où pourront se développer d’autres types d’activités ; ces dispositions nuisent à la qualité de cette prise en charge. Le nouveau décret supprime les principes fondamentaux de cette chirurgie ambulatoire et met potentiellement en jeu la qualité des soins et la sécurité des patients.

D’importantes et nécessaires modifications et améliorations de l’exercice de la chirurgie ambulatoires étaient nécessaires pour assurer son développement en France, très en retard dans ce domaine et suivre les recommandations internationales : reconnaître que l’ambulatoire est la norme et non une alternative à l’hospitalisation, autoriser la création de centres indépendants, inciter les établissements au développement de la chirurgie ambulatoire en conditionnant les autorisations d’activité de chirurgie avec hospitalisation conventionnelle à l’existence d’une prise en charge en ambulatoire.

Un recul potentiellement grave 

Le nouveau décret ignore toutes ces propositions qui avaient pourtant fait l’objet de très sérieux travaux avec les professionnels et abouti à un projet de décret en 2008.

Les acteurs de la chirurgie ambulatoire sont déstabilisés par ce retour en arrière masqué par le terme d’ « assouplissement réglementaire ». Ils seront encore plus déstabilisés lorsqu’ils constateront l’incohérence entre les dispositions du nouveau décret de la DGOS et les recommandations demandées par cette même DGOS à l’ANAP et à la HAS ; ces recommandations vont s’appuyer sur les meilleures expériences réussies de terrain en chirurgie ambulatoire et elles reprendront bien évidemment les fondamentaux et les facteurs de succès négligés par le nouveau texte.

En l’état actuel, le nouveau décret est en régression par rapport au texte précédent et est considéré par l’AFCA comme un recul potentiellement grave pour la qualité des soins, la sécurité des usagers et le fonctionnement des établissements de santé.

Professeur Jean-Pierre Triboulet, Chef du service de chirurgie générale et digestive du CHRU de Lille, Président de l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA).

Références
* Ministère des affaires sociales et de la santé ; n° 2012-969 du 20/08/2012, publié au journal officiel de 22/08/2012
Les intertitres sont de la rédaction du Jim

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