
Au cours de la vie d’un patient souffrant d’un trouble
bipolaire de type I, le temps passé avec des symptômes dépressifs
est 3 fois plus long qu’avec des symptômes maniaques (ce ratio
passe à 40 pour le trouble bipolaire de type II). Le traitement de
la dépression bipolaire est donc un défi quotidien pour tous les
psychiatres. Encore faut-il avoir identifié l’existence d’un
trouble bipolaire chez un patient présentant un épisode
dépressif.
Regardez les amygdales
Un nouveau modèle du trouble bipolaire ouvre la voie vers une
nouvelle compréhension de la maladie, où l’amygdale a une place
centrale. En effet, l’humeur peut se comprendre comme un état
émotionnel qui peut être décrit selon deux dimensions : la valence
des réponses émotionnelles (biais émotionnel négatif dans la
dépression, positif dans la manie), et l’intensité des réponses
émotionnelles (hyporéactivité dans la dépression, et réponses
intenses dans la manie). Une dépression mixte est donc un état de
biais émotionnels négatifs associé à une hyperréactivité
émotionnelle.
Vieilles recettes et nouveaux produits
Le traitement du trouble bipolaire est une gageure : les
antidépresseurs y sont la plupart du temps inefficaces, et bien
souvent délétères. Les traitements thymorégulateurs jouent une
place centrale ; ils sont malheureusement insuffisants. Face aux
limites du traitement médicamenteux, l’électroconvulsivothérapie
(ECT) a donc une place de choix dans le traitement de la dépression
bipolaire, que ce soit au cours de la dépression ou de l’épisode
maniaque. Pourtant, la littérature sur la question était jusqu’à
présent étonnamment limitée : trois études récentes (toutes
scandinaves) viennent justement combler ce manque.
Une méta-analyse publiée par Bahji en 2019 confirme que les
ECT ont un taux de réponse supérieur dans la dépression bipolaire
par rapport à la dépression unipolaire (p = 0,02), avec une réponse
plus rapide (p = 0,03). Un autre essai Suédois rétrospectif a
colligé les données de 1 251 patients ayant une dépression
bipolaire traitée par ECT. Le taux de réponse était de 80,2 % avec
une meilleure réponse chez les 31-40 ans et les patients de 61 à 80
ans. La comorbidité avec un trouble de la personnalité était un
facteur de mauvaise réponse (Popiolek, 2019). Enfin, une étude
Norvégienne a comparé 36 patients souffrant de dépression bipolaire
traités par ECT et 36 traités par médicaments, avec un taux de
réponse de 73,9 % pour les ECT contre 35 % pour le traitement
médicamenteux (Schoeyen, 2015).
Enfin, au-delà des traitements thymorégulateurs et des ECT,
certains traitements médicamenteux innovant pourraient trouver leur
place dans le traitement de la dépression bipolaire.
On connait la kétamine, et désormais sa version «
intranasale », la eskétamine. On citera également le
pramipexole, agoniste dopaminergique utilisé dans la maladie de
Parkinson, avec quelques résultats dans des études réalisées dans
les années 2000. Le modafinil a également montré des résultats
prometteurs. Enfin, des publications très récentes suggèrent
l’intérêt de deux antipsychotiques atypiques qui ne sont
malheureusement pas disponibles (pour l’instant) en France : la
lurasidone et la cariprazine.
Dr Alexandre Haroche