
La diversification menée par l’enfant (DME) consiste à proposer des aliments en morceaux dès que l’enfant peut se tenir assis, c’est-à-dire vers l’âge de 6 mois, et à le laisser se nourrir seul, avec ses doigts. Parallèlement, l’allaitement ou les biberons sont poursuivis.
Ce mode d’alimentation fait des adeptes de plus ne plus nombreux. C’est la raison pour laquelle il a fait l’objet d’une mise au point par le Pr Patrick Tounian au cours des Journées Interactives de Réalités pédiatriques.
Un avantage possible sur le risque de refus des morceaux
L’un des avantages allégués par les adeptes de la DME est qu’elle prévient le refus des morceaux. Il apparaît en effet que le refus des morceaux est très rare chez les enfants ayant bénéficié d’une DME. Toutefois, il n’existe pas d’étude comparant la DME et la diversification à la cuiller respectant à la lettre laséquence recommandée d’introduction des textures : de 4 à 8 mois introduction de purée lisse (mixée), de 8 à 10 mois, purée grumeleuse (moulinée), enfin au-delà de 10 mois, introduction des morceaux de taille et de dureté progressivement croissantes. Or, l’on sait que le non-respect de cette séquence, et particulièrement l’introduction tardive des morceaux, est l’une des principales causes de leur refus prolongé. Le bénéfice comparatif de la DME sur le risque de refus des morceaux pourrait donc être gommé par le respect rigoureux de la séquence d’introduction des textures.
Un autre argument est que la DME permettrait l’acceptation d’une plus grande variété d’aliments différents et favorise un partage plus rapide du menu familial. Ce bénéfice a lui aussi été retrouvé dans plusieurs études, mais là encore, l’on ne dispose pas d’études comparant la DME et la diversification à la cuiller avec une grande variété d’aliments.
La DME permettrait de plus un auto-contrôle de la satiété, et serait donc un moyen de lutter contre l’obésité. Force est de constater que les études ne montrent pas de différence de corpulence entre les nourrissons alimentés avec DME et ceux pour qui la diversification s’est faite de façon traditionnelle. Pour P. Tounian, il s’agit là d’un bénéfice allégué irrecevable, la régulation de l’appétit des nourrissons ne dépendant pas du mode de diversification : un nourrisson arrête de manger quand il n’a plus faim.
De possibles risques de carences en fer et en matières grasses
Des épisodes de fausses-routes ont été décrits au cours de la DME, mais leur fréquence et leur gravité ne sont pas différentes de celles constatées au cours d’une diversification traditionnelle. Toutefois le risque semble réel, car un défaut de surveillance est possible, qui n’existe pas quand l’enfant est alimenté à la cuiller par l’un de ses parents.
Des risques de carences ont été suggérés. Il s’agit notamment de la carence en fer qui pourrait être liée à une réduction de la consommation de lait infantile. Mais aussi de la carence en matières grasses : n’oublions pas que chaque plat salé du nourrisson doit être enrichi en matières grasses, pour couvrir ses importants besoins en graisses. Il est facile d’imaginer que les parents hésitent à ajouter des graisses dans les aliments que l’enfant va manipuler. Le risque de carences ne peut donc être exclu.
En résumé, le Pr Tounian estime que, si le rapport bénéfices-risques est nuancé, les risques semblent toutefois légèrement supérieurs aux bénéfices. Il convient toutefois qu’incontestablement, il s’agit de la méthode de diversification la plus salissante.
Dr Roseline Péluchon