La fièvre du dimanche soir : fonctionnelle ou organique ?
Après les vagues successives de la pandémie de Covid-19, la
4ème vague serait-elle psychiatrique ? C’est ce que
suggère le Dr Olivier Revol lors de son intervention aux
22èmes journées de Réalités Pédiatriques. La pandémie a
entraîné des modifications dans les interactions familiales et
changé les plaintes des enfants. De nombreuses études montrent
qu’elle a considérablement augmenté la prévalence des troubles
psychiques des enfants et adolescents. Cette augmentation
atteindrait 40 % en 1 an chez les 15-25 ans. Plusieurs causes ont
été identifiées, parmi lesquelles figurent en bonne place
l’incertitude, les restrictions et l’adolescence contrariée.
Le déconfinement fut pour certains une difficile sortie de la
bulle
L’intervenant confie que les professionnels du secteur
psychiatrique s’attendaient à un afflux de patients dès le 1er
confinement. Des études chinoises avaient alerté sur le risque
d’augmentation de l’incidence des troubles dépressifs. L’afflux
attendu n’a pas eu lieu, même si la gestion domestique de
situations complexes a engendré des difficultés dans les foyers.
Des addictions et troubles alimentaires sont apparus à cette
période, et une augmentation des maltraitances a été
documentée.
En revanche, le déconfinement ne s‘est pas fait sans
difficultés. L’on a pu observer notamment ce qui est décrit comme
le « syndrome de la cabane » et les enfants inquiets à
l’idée de sortir de leur bulle. Cela s’est traduit par des refus de
retourner à l’école, particulièrement chez les enfants à besoins
spécifiques (enfants à haut potentiel, enfants DYS, enfants TDAH).
Les explications sont multiples : troubles anxieux liés à la
pandémie, désadaptation de l’exposition aux facteurs de stress
habituels (pression scolaire, pression sociale), représentations
des parents sur l’école.
Les adolescents ont été particulièrement touchés. Pour O. Revol,
la pandémie s’est opposée point par point aux aspirations de
l’adolescence : les restrictions se sont opposées au désir de
liberté, la dépendance à celui d’autonomie, l’isolement à la
convivialité, l’obligation d’obéissance à l’opposition,
l’incertitude aux projets, la suspension du temps à l’accélération
du temps caractéristique de l’adolescence. La pandémie a aussi
constitué un révélateur des différences, des inégalités sociales et
des vulnérabilités cognitives et affectives.
La détresse de l’aube, ou le refus scolaire anxieux
Cette période a braqué les projecteurs sur le refus scolaire
anxieux (RSA), qui concerne environ 1 % des enfants d’âge scolaire
et 5 % des consultations psychiatriques, plus fréquent chez les
garçons que les filles (3/2). Il s’agit d’enfants qui, pour des
raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent
avec des réactions très vives de panique quand on tente de les y
forcer. Le refus scolaire anxieux et les plaintes somatiques
apparaissent entre 5 et 15 ans avec 3 pics d’incidence : le CP,
l’entrée au collège et le lycée. Le milieu socio-économique de la
famille ou la taille de la fratrie ne semblent pas avoir
d’influence sur l’apparition du trouble, en revanche le haut
potentiel est un facteur de risque.
Le début est souvent brutal. Les veilles et les matins de
classe, l’enfant se plaint de symptômes fonctionnels : maux de
ventre, céphalées, vomissements, pâleur, tachycardie, difficultés
respiratoires, aggravation d’une maladie préexistante (asthme,
diabète). Les malaises dans la classe et les séjours à l’infirmerie
se multiplient, mais tout rentre dans l’ordre quand l’enfant est
assuré de rentrer à la maison. Il promet alors de retourner à
l’école le lendemain, et avance des explications à son comportement
(professeur trop sévère, copains méchants avec lui).
Progressivement, la situation devient ingérable, se traduisant par
un isolement de l’enfant, une installation des plaintes
fonctionnelles chroniques. En revanche, en dehors des accès,
l’enfant a un comportement plutôt facile et coopérant.
Une prise en charge pluridisciplinaire
Devant les plaintes somatiques, il est nécessaire d’agir
rapidement et de procéder à une évaluation non seulement médicale
mais aussi familiale, scolaire et psychologique (haut potentiel,
DYS…). Il faut comprendre et rechercher les causes du refus
scolaire anxieux : anxiété de séparation, difficultés
relationnelles, troubles cognitifs (dyslexie, TDAH), incapacité à
accepter de s’ennuyer (haut potentiel, TDAH), refus de l’autorité
(haut potentiel, TDAH).
La prise en charge du refus scolaire anxieux doit être rapide
avec pour objectif le retour à l’école. Il s’agit d’un travail
d’équipe, impliquant l’enfant, les parents, l’école et l’équipe
soignante, sous forme d’une alliance thérapeutique pour préparer le
retour à l’école. La prise en charge peut faire appel aux thérapies
comportementales, thérapies familiales, relaxation, sophrologie,
hypnose, etc., visant l’autonomisation et l’ouverture sur
l’extérieur. Un traitement médicamenteux peut être nécessaire
(anxiolytique, antidépresseur).
Devant ces situations, le praticien doit éviter quelques pièges, le
premier étant celui de nier la réalité de la douleur. Il s’agira
aussi de se garder du sentiment d’impuissance qui envahit souvent
la famille et l’entourage.
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