Paris, le jeudi 6 avril 2023 – La France compte 30 000 centenaires, soit trente fois plus qu’il y a 50 ans et d’avantage que dans n’importe quel pays d’Europe.
Voilà une information qui pourrait donner du grain à moudre aux partisans de la réforme des retraites et à l’inverse quelque peu irriter les syndicats, alors qu’une nouvelle journée de mobilisation sociale est organisée ce jeudi. Selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte en 2023 plus de 30 000 centenaires (à qui l’on verse donc des pensions de retraite depuis plus de 40 ans !). Ce n’est certes que 0,04 % de la population, mais c’est tout de même trente fois plus de sujets âgés de plus d’un siècle qu’il y a cinquante ans.
Après être resté stable autour de 1 100 individus entre 1960 et 1975, le nombre de centenaires habitants en France a augmenté de manière stable et continue de 8 % par an entre 1975 et 2015. Le nombre de centenaires a ensuite fortement baissé, passant de 24 000 à 18 500, entre 2015 et 2019 : c’est la conséquence, un siècle plus tard, de la chute de la natalité au cours de la Première Guerre Mondiale.
Vivre 100 ans, mais guère plus
Depuis, le nombre de centenaires est reparti en flèche (+ 15 % par an entre 2020 et 2023) et aurait pu être encore plus élevé sans l’épidémie de Covid-19 : les personnes nées avant 1923 ont connu une surmortalité de 5 % en 2020, 2 % en 2021, 9 % en 2022. On peut donc extrapoler que le nombre de centenaires diminuera entre 2040 et 2045 à cause de la Deuxième Guerre Mondiale, augmentera fortement vers 2050 grâce baby-boom et baissera quelque peu en 2121-2122 à cause de la Covid-19.
Avec 30 000 centenaires, la France est le pays d’Europe qui en compte le plus en valeur absolue (en partie car la France est l’un des pays les plus peuplés d’Europe) mais également rapporté à sa population. L’Insee a notamment mesuré que 2,1 % des personnes nées en France en 1920 et qui étaient encore en vie en 1980 ont atteint l’âge de 100 ans : c’est plus qu’en Espagne (1,6 %), en Italie (1,4 %) ou au Portugal (1,3 %). Les auteurs de l’étude notent que ces chiffres sont cohérents avec ceux de l’espérance de vie féminine : avec 85,5 ans, la France est le deuxième pays d’Europe avec l’espérance de vie la plus élevée pour une femme (derrière l’Espagne). La France reste tout de même loin du Japon et de ses plus de 90 000 centenaires.
Si les Français sont de plus en plus nombreux à atteindre l’âge de 100 ans, ils ne vivent rarement guère plus : 68 % des centenaires ont moins de 102 ans, 91 % moins de 104 ans. Si Lucille Randon, ancienne doyenne des Français, est morte le 17 janvier à l’âge de 118 ans, sa successeur, Marie-Rose Tessier, n’est âgée « que » de 112 ans.
Vers 0,1 % de centenaires en 2040 ?
Parmi les centenaires, 86 % sont des femmes. Si à tout âge, la mortalité des hommes est supérieure à celle des femmes, cela n’a pas de conséquence sur la parité homme-femmes avant 60 ans, étant donné le faible risque de mourir avant cet âge. Après cela, l’écart ne fait que s’élargir : 53 % des sexagénaires, 61 % des octogénaires, 73 % des nonagénaires et donc 86 % des centenaires sont des femmes. Les inégalités sociales face à la mort continuent à ces âges très élevés : une femme âgée de 70 à 75 ans en 1990 et diplômée du supérieur avait 6,6 % de chance de devenir centenaire, contre seulement 3,4 % pour une femme sans diplôme.
La probabilité de devenir centenaire a fortement augmenté ces dernières années : 0,9 % des femmes nées en 1900 sont devenues centenaires, contre 3 % de celles nées en 1922. Selon les projections de l’Insee, cette tendance devrait continuer à augmenter dans le futur et ce sont 6 % des femmes et 2 % des hommes nés en 1940 qui devraient voir l’an 2040. A cette date, la France pourrait compter 76 000 centenaires soit 2,5 fois plus qu’aujourd’hui et 0,1 % de la population.
Si l’on cumule cela avec la probable baisse des naissances dans les futurs décennies, c’est sans doute au-delà de 64 ans qu’il faudra travailler.
Grégoire Griffard
