
Paris, le samedi 12 juillet 2014 – La médecine tend de plus en plus à considérer notre corps comme une machine, complexe, magnifique et encore souvent difficile à manipuler, mais une machine tout de même. La pratique du prélèvement et du don d’organes pousse cette conception à son point le plus extrême, nos organes n’étant finalement considérés que comme des pièces détachées. L’idée est très mal acceptée par Laura, l’héroïne du dernier roman de Gilles Laporte, « Je sais que tu m’attends », dont le mari est plongé dans le coma profond après un grave accident de voiture. Le neurochirurgien Sébastien Lemire lui affirme qu’il n’est plus possible de faire revenir son époux et l’incite à donner son consentement pour le prélèvement de ses organes. Pour la convaincre, le médecin va user de tous les artifices, y compris le piège de la séduction si bien qu’il est difficile de déterminer, finalement, si les motivations du praticien sont uniquement médicales. Comme souvent Gilles Laporte nous invite, au-delà de sa plume ciselée à réfléchir sur le pouvoir de la médecine, les machinations infernales des hommes et des femmes et sur ce qui reste de nos liens avec les autres au-delà de nos corps.
Il est moins brillant qu’il ne le montre
Si la réflexion existentialiste que peut faire naître la question du prélèvement et du don d’organes n’est plus parfaitement actuelle, celle qui accompagne la technique du clonage demeure résolument contemporaine. Les scientifiques qui travaillent sur le clonage sont-ils des apprentis sorciers, ne considérant les humains que comme des machines pouvant se prêter à toutes les expériences y compris celle de la réplication. Pas sûr que « Le Testament de Nobel », roman policier de l’auteur suédois Liza Marklund permette de donner des réponses à ces questions. Cependant, il nous plonge dans un thriller scientifique haletant, avec comme meneuse d’enquête la journaliste Annika Bengtzon devenue malgré elle le témoin numéro un du meurtre et de la tentative de meurtre de la présidente du comité Nobel de l’Institut Karolinska et du lauréat controversé du Nobel de médecine, Aaron Wiesel, défenseur de l’utilisation du clonage thérapeutique. Le roman nous permet d’entrer dans la mécanique de l’élucidation de la vérité et de percer à jour les plus obscures machinations.
Il est plus tard que tu ne le penses
Comme toute machine, le corps peut donc se détraquer. Comme sembler devenir fou. Si elle était un objet, Christine, l’héroïne du premier roman de S.J. Watson, médecin britannique spécialiste des troubles de l’audition, serait une montre. Une montre qui retarde. Car dans la glace, c’est une adolescente qu’elle voit, alors qu’elle est une femme d’âge mûr. Cette idée qui est le point de départ d’ « Avant d’aller dormir » est née chez S.J. Watson à la lecture de « la nécrologie d’un certain Henry Gustav Molaison. En 1953 à la suite d’une opération chirurgicale destinée à soigner son épilepsie, ce patient est devenu incapable de former de nouveaux souvenirs. Je me suis demandé ce qu’on pouvait éprouver en se réveillant tous les matins en pensant qu’on vit toujours la même année ». A partir de cette anecdote, le nouveau maître du suspens a créé une histoire haletante, avec comme point de mire la relation entre Christine et un psychiatre de plus en plus harcelant.
Il fait moins noir que tu ne le vois
Machines peut-être, mais machines exceptionnelles, nos corps sont capables de compenser la perte d’une fonctionnalité grâce à d’autres sens ; une faculté qui n’est sans doute pas donnée à n’importe quel vulgaire objet. C’est ce que démontre « La Maison de la Parole ». Cette « compagnie » a été créée par Odile Gaillanne, devenue aveugle il y a 7 ans, victime d’une maladie neurodégénérative. Depuis, elle s’est engagée au sein de plusieurs associations d’aides aux aveugles et a notamment constitué « La Maison de la Parole » qui chaque année participe au festival off d’Avignon en présentant des spectacles qui font appel à tous les sens, sauf à celui de la vue. Une machination infernale pour tromper les mauvais coups du sort.
Aurélie Haroche