LA MALADIE DE KAWASAKI AUJOURD' HUI

Depuis sa première description en 1967 par Tomisaku Kawasaki, la maladie qui porte son nom, a largement dépassé les frontières du Japon : on estime que son incidence, en Europe, est comprise entre 6 et 10 cas par an et par 100 000 enfants de moins de 5 ans. Cependant, il est difficile de savoir si la fréquence de la maladie a réellement augmenté ou si des aspects moins typiques sont plus souvent identifiés par des médecins mieux avertis.

La maladie se définit comme une "vasculite diffuse de l'enfant affectant les petites et moyennes artères à mécanisme immunologique, d'étiologie inconnue".

Une série récente de mises au point expose certains aspects biochimiques méconnus ou moins connus ainsi que les résultats de recherches étio-pathologiques encore incertaines. Elle fournit également les éléments, moins controversés, de la stratégie thérapeutique.

Du soleil levant au pays du matin calme

Pour ce qui concerne l'épidémiologie, la maladie apparaît comme ubiquitaire, quoique plus fréquente au Japon et en Corée. Elle frappe surtout l'enfant jeune de moins de 5 ans (âge moyen = 2 ans), procédant par vagues épidémiques étendues sur quelques mois, avec quelques variations saisonnières (aux Etats-Unis on la rencontre plutôt à la fin de l'hiver et au début du printemps).

Les manifestations cliniques les plus caractéristiques et les plus fréquentes ont permis d'établir une liste de critères diagnostiques répartis en 6 rubriques :

1 - Fièvre d'une durée égale à au moins 5 jours.

2 - Modifications des extrémités : à la phase de début, rougeur des paumes et des plantes, œdème induré ; à la convalescence, desquamation des extrémités des doigts.

3 - Erythème polymorphe.

4 - Congestion conjonctivale bi-latérale.

5 - Modification des lèvres et de la cavité buccale : rougeur fissurée des lèvres, langue framboisée, exanthème bucco-pharyngé.

6 - Adénopathies cervicales aiguës, non suppurées.

Affirmer le diagnostic exige la présence de 5 critères sur 6, dont obligatoirement la fièvre prolongée, ou 4 seulement en cas d'anévrysme coronaire.

Les critères secondaires

A côté de ces critères "majeurs", sujets eux-mêmes peut-être à révision, il est bon de connaître l'existence de manifestations moins classiques :

- Dermatologiques : érythème localisé sur le site d'une vaccination antérieure par le BCG ; desquamation non seulement digitale mais aussi périnéale ; atteinte des ongles, avec sillons transversaux ou lignes de Bean.

- Cardio-vasculaires : si l'atteinte des artères coronaires constitue la plus fréquente et la plus grave des atteintes vasculaires, il faut rechercher celle des troncs périphériques (notamment axillaire), sachant aussi la possibilité d'accidents de vaso-constriction au niveau des extrémités. L'atteinte cardiaque peut comporter : myocardite, troubles du rythme, épanchement péricardique, atteinte valvulaire mitro-aortique, habituellement transitoire.

- Digestives : parmi celles-ci, figurent l'ictère rétentionnel et l'hydrocholécyste.

- Et parmi les manifestations neurologiques : possibilité de convulsions, paralysie faciale, uvéite antérieure, en dehors de l'atteinte méningée bien connue.

- Enfin, il est parfois possible de voir une arthrite ou une uréthrite.

Maladie en quête d'auteur

La maladie affecte une allure évidemment épidémique, mais sans transition inter-humaine directe : les cas familiaux suggèrent plutôt une exposition commune au même agent infectieux. La maladie de Kawasaki est encore à la recherche de son étiologie : si beaucoup de germes ont été successivement incriminés (le dernier en date appartenant au groupe des rétrovirus), aucun n'a vu sa responsabilité démontrée. Il pourrait s'agir d'un commensal habituel ou de plusieurs agents infectieux différents. Une protéine de choc thermique représenterait un facteur prédisposant par activation du système immunitaire et altération secondaire des cellules endothéliales.

Les études immunologiques actuellement en cours révèlent :

- des anomalies quantitatives et qualitatives des lymphocytes T et B ;

- une production augmentée de certaines cytokines (IL-1, IL-6, IFN-8, TNF-*) ;

- un taux élevé des récepteurs solubles de l'interleukine 2 ;

- l'expression de molécules d'adhésion intercellulaire au niveau de l'endothélium vasculaire ;

- la présence d'anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles et d'anticorps dirigés contre des cellules endothéliales, stimulées par l'interféron gamma.

A la phase initiale, aiguë, fébrile, succède la vasculite avec hyperplaquettose et présence de complexes immuns circulants, mais les sujets atteints n'appartiennent à aucun groupe HLA particulier.

Un pronostic à cœur

Le pronostic est fonction de l'atteinte anévrysmale coronaire et de son évolution vers la régression ou, au contraire, vers l'occlusion par thrombose, responsable de mort subite, d'infarctus du myocarde ou d'une afection cardiaque ischémique.

On connaît maintenant la fréquence approximative des anévrysmes coronaires : 20 à 40 % en période aiguë et 10 à 20 % à la convalescence. Leur diagnostic exige que l'on ait affaire à des échocardiographistes entraînés et que l'examen soit répété 6 semaines après un premier examen négatif.

Ces anévrysmes ont d'autant plus de chances de régresser qu'il s'agit d'enfants de moins d'un an, de sexe féminin, d'anévrysmes fusiformes ou d'un diamètre inférieur à 4 mm.

Les anomalies histologiques coronariennes peuvent persister des années après l'épisode initial, représentant un facteur de prédisposition à l'insuffisance coronarienne précoce, elle-même cause de décès chez de jeunes adultes. Ces faits sont d'autant plus préoccupants que nombre de formes incomplètes de la maladie passent sans doute inaperçues.

La maladie de Kawasaki représente la cause principale des maladies cardiaques acquises de l'enfant.

Son traitement est maintenant codifié

Le traitement de la maladie de Kawasaki est aujourd'hui bien codifié : il a pour objectif de prévenir l'apparition des anévrysmes, d'en réduire le volume et d'en favoriser la régression.

1. Les immunoglobulines en perfusion intraveineuse lente à la dose de 1 g/kg, 2 jours de suite (avec en général chute de la fièvre après la première perfusion). Pour être efficace, ce traitement doit être administré pendant les huit premiers jours de la maladie. Les incidents sont rares : frissons, fièvres, céphalées, douleurs rachidiennes, voire méningite aseptique. Les accidents anaphylactiques sont surtout à craindre s'il existe un déficit en IgA.

On connaît mieux le mode d'action des immunoglobulines : elles agiraient essentiellement par l'intermédiaire d'anticorps anti-idiotype capables de se lier au fragment F(ab')a des auto-anticorps associés à la maladie.

2. L'aspirine est prescrite à la dose de 3 à 10 mg/kg/24 h à la phase aiguë, et ensuite à la dose de 2 à 5 mg/kg/24 h jusqu'à normalisation du chiffre de la vitesse de sédimentation et du taux des plaquettes, c'est-à-dire généralement pendant 2 à 3 mois.

Par contre, en cas d'anomalie coronarienne démontrée et persistante, ce traitement sera poursuivi pendant plusieurs années, associé parfois au dipyridamole.

Nous ne disposons pas actuellement de moyens pour reconnaître de façon sûre, la population d'enfants "à risque" (20 % des cas environ), auxquels pourrait être réservé le traitement par immunoglobulines, traitement coûteux et non absolument dépourvu d'effets secondaires.

 

Barron K.S. : "Kawasaki Disease - Epidemiology, late prognosis and therapy" - Rheumatic Disease Clinics of North America (Pediatric Rheumatology), 1991 ; 17 : 907.

Dillon M.J. : "Vasculitic syndromes" in P. Woo, H. White, B.M. Ansell : "Pædiatric Rheumatology Update" - Oxford, Oxford University Press 1990 ; 226-242.

Dwyer J.M. : "Manipulating the immune system with immune globulin" - New Engl. J. Med., 1992 ; 326 : 107.

Levin M. : "Kawasaki disease : recent advances". Arch. Dis. Child., 1991 ; 66 : 1369.

Matsumoto S. : "Immunologic abnormalities observed in Kawasaki disease", foreword, Acta Pediatr. Jpn., 1991 ; 33 : 737.

François Hayem

Copyright © http://www.jim.fr

Réagir

Vos réactions

Soyez le premier à réagir !

Réagir à cet article

Les réactions sont réservées aux professionnels de santé inscrits et identifiés sur le site.
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.


Lorsque cela est nécessaire et possible, les réactions doivent être référencées (notamment si les données ou les affirmations présentées ne proviennent pas de l’expérience de l’auteur).

JIM se réserve le droit de ne pas mettre en ligne une réaction, en particulier si il juge qu’elle présente un caractère injurieux, diffamatoire ou discriminatoire ou qu’elle peut porter atteinte à l’image du site.