L’insomnie fait partie de ces plaintes trop souvent banalisées
par les médecins. Pourtant, selon certains travaux, c’est 1
personne âgée sur 2 qui se plaint d’insomnie ou d’une mauvaise
qualité de sommeil. Encore faut-il bien s’entendre sur ce qu’est
l’insomnie. Elle peut être définie par la survenue au moins 3 fois
par semaine depuis plus d’un mois de l’un ou l’autre des symptômes
suivants : insomnie d’endormissement, insomnie de maintien du
sommeil, réveil précoce ou sommeil non réparateur. Une répercussion
diurne doit y être associée. Et si les personnes âgées s’en
plaignent souvent, c’est que la prévalence de l’insomnie augmente
avec l’âge, sous l’influence de plusieurs facteurs, dont certains
altèrent le fonctionnement de l’horloge biologique. En particulier,
on note dès 55 ans une diminution importante de la sécrétion de
mélatonine. Avec le vieillissement apparaît souvent une avance de
phase (la personne âgée a tendance à s’endormir tôt dans la soirée)
accompagnée d’une fragmentation du sommeil menant à une insomnie
vraie.
L’insomnie peut être secondaire à une pathologie sous-jacente qu’il
convient de rechercher systématiquement : anxiété, dépression,
pathologies respiratoire, cardiaque, neurologique, digestive,
syndrome d’apnée du sommeil, etc. L’insomnie primaire est un
diagnostic d’élimination. Mais une fois posé le diagnostic, les
ressources thérapeutiques sont finalement assez minces. Le Dr M.A.
Quera Salva qui intervenait lors de l’atelier Circadin rappelle que
les thérapies cognitivo-comportementales doivent être
systématiquement proposées dans un premier temps, même si elles
n’ont montré qu’un « effet discret à modéré chez le sujet âgé ».
Les benzodiazépines et les composés Z ont une action minime sur les
symptômes de l’insomnie au prix d’effets indésirables bien
connus.
Resynchroniser l’horloge biologique perturbée par la baisse de
la sécrétion de mélatonine paraît être une option plus
intéressante. La mélatonine sous forme à libération immédiate n’est
adaptée que chez un petit nombre de sujets qui ne présentent qu’un
retard de phase (retard d’endormissement), cas rare chez le sujet
âgé. L’insomnie des patients âgés s’accompagne plutôt d’une avance
de phase. Seule la mélatonine à libération prolongée sera efficace
chez ces patients. Elle pallie la baisse de la sécrétion naturelle
de mélatonine. La prise de mélatonine le soir s’accompagne d’un pic
sérique vers 3- 4h du matin, suivi d’un plateau et d’une diminution
progressive, comparables à ce qui est observé dans les conditions
physiologiques. La réponse au traitement est alors double, sur la
qualité du sommeil et sur la vigilance au réveil, après un délai
variable et sans effet rebond à l’arrêt du traitement. Ce dernier
peut d’ailleurs être poursuivi pendant plusieurs mois sans qu’il
n’y ait d’épuisement thérapeutique.
Il convient toutefois de noter que la mélatonine est métabolisée
par les cytochromes hépatiques (CYP1A2) et peut interférer avec
certains autres médicaments dont les psychotropes, les
anti-épileptiques, les antalgiques et les hormones stéroïdes. Une
mention particulière pour les anti-vitamines K, dont l’association
avec la mélatonine, peut modifier l’INR.
Dr Roseline Péluchon