La metformine en pratique en 2015

R. Roussel (Paris) et A. Scheen (Liège, Belgique) dressent un état des lieux sur les nouvelles connaissances concernant la metformine.

Sur le plan physiopathologique

La metformine entraîne la réduction de la production endogène de glucose: son action se fait principalement au niveau hépatique. Dans les études ADVANCE et ACCORD, la metformine est utilisé « seulement » chez 40 à 60 % des patients. Il existe toujours une crainte d’apparition d’effets secondaires en cas de complications cardiaques ou rénales.

Lors de la prise orale de la metformine, on observe une concentration importante de la molécule au niveau de la lumière digestive ; de ce fait, en cas de réalisation d’une scintigraphie au 18 FDG chez un patient sous metformine (ou lors d’un diabète déséquilibré), on peut observer une accumulation importante du glucose marqué au niveau du tube digestif et cela masque ou diminue la qualité des images de tumeur éventuelle.

La metformine inhibe la chaîne respiratoire mitochondriale en diminuant le rapport ATP/AMP ; le taux plasmatique de toxicité est de 20 µmol/l (2,8 mg/l).

Dans le foie, la metformine mime un état de déprivation énergétique et active l’AMPK dans l’hépatocyte, ce qui active les cibles de l’AMPK: les molécules impliquées dans la néoglucogénèse. L’effet est médié par le stress énergétique qui diminue le rapport ATP/AMP. D’autres actions non connues sont possibles par d’autres voies.

Par ailleurs, on observe une diminution sous metformine de la prévalence du cancer du sein. La metformine perturbe l’énergétique cellulaire, avec réorientation cellulaire vers un état de repos métabolique. Il s’agit d’un effet protecteur de type « β bloquant » sur l’hépatocyte et autres cellules.

Des questions restent en suspens: quel effet sur le microbiote intestinal ? Quelles actions sur les autres tissus ? Existe-t-il des isoformes plus ciblées ?

Prescrire en connaissance de cause

Les contre-indications classiques à la metformine sont: le syndrome coronarien aigu, la coronaropathie, l’insuffisance respiratoire, l’insuffisance hépatique et rénale.

Dans une métaanalyse Cochrane de 2010, le risque d’acidose lactique sous metformine est cependant faible, et l’acidose lactique existe aussi en dehors de la prise de metformine: 4,3/100 000 sous metformine et 5,4/100 000 sans metformine.

En pratique, quels sont les effets étudiés de la metformine dans différentes situations ?

1/ Metformine et complications du diabète. Sur la mortalité globale et cardio-vasculaire, les études anciennes ne montrent pas d’effet. Dans une étude reprise par R. Roussel, on observe une diminution à 2 ans de la mortalité. Pas d’éléments concernant la microangiopathie.
2/ Metformine et prévention du diabète: étude NEJM (2002). Il existe un effet bénéfique préventif de la metformine chez les sujets jeunes (âge < 60 ans) et obèses (IMC > 35) et l’indication existe aux Etats-Unis: diminution respectivement de 31 % et de 58 % en association avec les mesures hygiéno-diététiques et, dans un sous-groupe de femmes ayant un diabète gestationnel, on observe une baisse de 40 %.
3/ Metformine et sujet âgé (> 75 ans): dans l’étude de R. Roussel, on observe un bénéfice sur la mortalité jusqu’à 80 ans.
4/ Metformine et insuffisance rénale:

- Arrêt si clairance < 30 ml/mn
- Entre 30 et 45 ml/mn: diminution des doses au moins de moitié. Les recommandations FDA préconisent : un arrêt si < 30 ml/mn, et une diminution de moitié à partir de 50 ml/mn, avec un suivi de la fonction rénale tous les 3 mois.
- Penser à prévenir qu’il faut arrêter la metformine dans les situations de déshydratation et vérifier régulièrement la fonction rénale du fait du risque d’insuffisance rénale aiguë : seuls cas décrits d’acidose lactique.

NB : l’acidose lactique est souvent non liée à la metformine (il existe de nombreux cas où le dosage de metformine plasmatique est normal).

5/ Metformine et insuffisance hépatique: utilisation possible en cas de cirrhose stable et équilibrée (sans insuffisance hépatocellulaire), de NASH ou stéatose (amélioration). La metformine a un effet préventif sur l’hépatocarcinome. Pas d’utilisation en cas de cirrhose avancée et d’insuffisance hépatocellulaire sévère (pas de données).

6/ Metformine et insuffisance cardiaque ou coronaire:

- étude DIGAMI : diminution des décès par cancer et de la mortalité globales sous metformine lors d’un syndrome coronarien aigu (Diabetologia 2011) contrairement aux sulfamides et à l’insuline ;
- autre étude : diminution de la mortalité dans l’insuffisance cardiaque ;
donc utilisation possible en cas d’insuffisance cardiaque ou coronaire stable.

7/ Metformine de grossesse. Dans le diabète gestationnel: pas de complications néonatales sous metformine seule ou avec insuline (NEJM 2008 et Diabete Metabolism 2013)
8/ Metformine et cancer: diminution globales de 31 % du risque de cancer (surtout foie, colon, pancréas) en comparaison aux autres traitements du diabète (A. Scheen Diabete et Metabolism 2013), mais il existe des biais et facteurs confondants (essais non spécifiques): baisse de 18 % des cancers et 10 % de la mortalité après ajustement.

Au total, les analyses rétrospectives et observationnelles concernant la metformine sont globalement positives. Certaines situations requièrent une surveillance particulière: l’insuffisance rénale (bilans tous les 3 mois) ; l’accumulation de facteurs de risque ; les situations favorisant la déshydratation (diurétiques, AINS, infection, fièvre, chaleur, polymédication…)

A noter que le RCP de la metformine est en cours de modification concernant l’insuffisance rénale au stade 3A (45-60 ml/mn), où la poursuite sera possible avec adaptation des doses (travail en cours sur des doses fixes recommandées : 500mg x 2 jusqu’à 45 ml/mn).

Dr Stéphanie Girard

Références
« Metformine : les nouvelles données. »
Roussel R: nouvelles hypothèses, nouvelles connaissances.
Scheen A: Les problèmes posés en pratique clinique.
Congrès de la Société Francophone du diabète (Bordeaux): 24-27 mars 2015.
-Scheen AJ et Paquot N: Metformin revisited: a critical review of the benefit-risk balance in at-risk patients with type 2 diabetes. Diabetes Metab. 2013 ; 39(3): 179-90.
-Lalau JD et coll.: Metformin and other antidiabetic agents in renal failure patients. Kidney Int. 2015 ; 87(2): 308-22.

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